Alors que des millions de musulmans à travers le monde célèbrent la fin du mois de ramadan, la presse internationale varie dans sa couverture médiatique de cet événement. Certains médias relaient les vœux de dirigeants politiques adressés à la communauté musulmane, diffusent des extraits de la prière de l’Aïd depuis les grandes capitales, ou encore mettent en lumière les traditions séculaires et les spécialités culinaires de cette fête, selon les régions et les pays.
Dans les années 1930, la presse française s’intéressait particulièrement aux traditions entourant la fin du ramadan. Le quotidien conservateur Le Petit Journal, par exemple, décrivait les festivités dans son édition du 6 janvier 1935, numérisée sur Retronews. «Un coup de canon dans les villes, le chant du marabout dans les campagnes annonceront ce soir que la période d’abstinence s’achève», écrivait le journal.
France Culture a expliqué que cette année-là, le journal s’intéressait également au jeûne dans le cercle polaire, où le soleil brille 23 heures par jour. Citant la Mosquée de Paris, il expliquait que le Coran permet de «prendre une moyenne car le ramadan n’est pas une épreuve inhumaine».
Une approche pédagogique pour mieux comprendre les rites de l’Aïd
Selon les archives disponibles à la Bibliothèque nationale de France (BNF), le traitement médiatique de l’Aïd à cette époque était principalement explicatif et descriptif. Il relatait le déroulement de cette fête dans certains pays musulmans, notamment ceux colonisés par la France, comme l’Algérie, ainsi que les traditions perpétuées par les populations musulmanes en France, souvent avec une touche d’orientalisme. Les festivités à la Mosquée de Paris étaient également couvertes, comme l’a fait Paris Soir en 1936, décrivant les gâteaux et autres douceurs partagées pour l’occasion.
La presse française s’intéressait aussi à la célébration de l’Aïd et du ramadan de l’autre côté de la Méditerranée. Ainsi, l’édition du 16 août 1936 de l’hebdomadaire féminin La Femme de France consacra un article à la Tunisie, notamment dans la région de Tozeur, où la rupture du jeûne se faisait autour de tables dressées en plein air après l’appel du muezzin.
La journaliste Claire Charles-Géniaux y décrivait l’ambiance des longues journées de jeûne, où il était difficile de trouver un magistrat ou un fonctionnaire en service. «Le ramadan correspond à notre carême, mais il en diffère totalement», expliquait-elle.
«Alors que chez nous le carême était et est encore pour quelques chrétiens rigoristes une saison de pénitence accompagnée de jeûnes, de prédications, de bonnes œuvres et d’abstinence de toutes gourmandises et de tous plaisirs, le ramadan partage la journée en deux parts bien distinctes», poursuivait-elle, évoquant le jeûne et l’iftar en fin de journée. Elle citait notamment un musulman rencontré en Tunisie : «Ce qui me prive le plus, c’est de ne pas fumer.»
«Lorsqu’il a lieu en hiver, pendant les jours courts de l’année, le jeûne est moins long et moins pénible que pendant l’été ; car même par la plus excessive chaleur, il est interdit de boire une goutte d’eau.»
Claire Charles-Géniaux dans La Femme de France
Le Figaro décrivait quant à lui certains mets typiquement partagés durant l’Aïd, tout en soulignant l’ambiance conviviale et l’esprit de partage de cette fête. Jeanne Puech, qui écrivait sous le pseudonyme Jehan d’Ivray et était mariée à un Égyptien, rédigeait ses chroniques depuis Le Caire en 1906, évoquant une «fête générale» où le peuple avait «part de toutes les joies».
Les premiers reportages radiophoniques sur l’Aïd
Si les mentions du ramadan se faisaient de plus en plus fréquentes depuis les années 1930, les archives disponibles sur Retronews révèlent des articles consacrés à cette période de fête dès le XIXe siècle.
C’était le cas dans l’édition du 11 février 1897 du Petit Parisien, qui décrivait «le Carême des mahométans» en expliquant qu’il faisait partie des piliers de l’islam, avec des passages coraniques à l’appui rappelant une conversation avec le Prophète Mohammed. Plus tard, la radio a permis de transmettre ces ambiances en son.
«Dans les archives radiophoniques, la toute première évocation du ramadan remonte à 1938, avec un sujet sur le mois de jeûne en Tunisie», rappelait France Culture, notant qu’en 1946, un reportage sonore de trois minutes relatait la fin du ramadan à la Mosquée de Paris, au son de percussions traditionnelles et de chants religieux.
«Malgré la piètre qualité du son», ce document permettait de revivre l’ambiance de la fin du ramadan à travers «un traitement bienveillant de l’islam par les médias à l’époque», notait la radio, permettant de réécouter le reportage qui se terminait par les vœux du journaliste Claude Darget à la communauté musulmane établie dans la capitale française.