Le 22 octobre 1975, l’ONU rendait une résolution où elle appelait le Maroc et l’Espagne à participer, sans droite de vote, à la discussion autour du Sahara occidental. Cette résolution intervient aussi à la veille de l’organisation, par feu le roi Hassan II, de la Marche verte.
Nous sommes en 1963. Le Maroc, qui venait de décrocher son indépendance sept ans auparavant, tente toujours de récupérer plusieurs parties de ses territoires. Dans une tentative pour accélérer cela, il fait inscrire le Sahara occidental sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU.
Le 17 décembre 1965, l’organisation onusienne vote alors la résolution 2072, appelant ainsi à la décolonisation de Sahara espagnol, de Cap Juby et l’enclave d’Ifni. Un vote auquel s’oppose l’Espagne et le Portugal. «L’Assemblée générale (…) prie instamment le gouvernement espagnol, en tant que puissance-administrante, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale des territoires d’Ifni et du Sahara espagnol et d’engager à cette fin des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires», indique la résolution.
Si le Maroc récupère déjà Cap Juby (Tarfaya) le 15 avril 1958, ce n’est que le 30 juin 1969 que Sidi Ifni retourne sous souveraineté marocaine.
La Marche verte du 6 novembre 1975. / Ph. DR
L’avis de la CIJ accélèrera l’annonce de la Marche verte
Parallèlement à ces problèmes internes et les retombés de la Guerre des Sables avec l’Algérie, la question est en suspens jusqu’en 1975. Le 3 octobre, un document adressé par l’agence de renseignement américaine à Henry Kissinger, alors secretaire d’Etat sous le président Gerald Ford, parle de l’éventualité d’un conflit armé entre le Maroc et l’Espagne ou avec l’Algérie à cause du différend territorial. Il rappelle aussi que Hassan II «a réitéré en août (1975) son intention de s’approprier le Sahara espagnol avant la fin de l’année, par la force si cela est nécessaire».
Le 16 octobre, la Cour internationale de justice rendait son avis consultatif sur le Sahara occidental. Un document qui souffle le chaud et le froid et impose un avenir incertain pour un territoire ayant toujours été «historiquement lié au Maroc». Si l’avis évoque «l’existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental», le même document dément tout «lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part».
Le soir-même, alors que les yeux des Marocains sont rivés sur la télévision nationale, feu le roi Hassan II annonçait l’organisation de la Marche verte pour récupérer le Sahara. Deux jours plus tard, craignant le déclenchement d’une confrontation, l’Espagne franquiste adresse alors, par le biais de son représentant à l’ONU, une lettre au Conseil de sécurité.
Le 20 octobre, à la 1849e séance, le Conseil de sécurité décide «d’inviter les représentants du Maroc et de l’Espagne à participer, « sans droit de vote », à la discussion sur la question intitulée « La situation en ce qui concerne le Sahara occidental : lettre en date du 18 octobre 1975 adressée au Président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de l’Espagne auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/11851) ».»
La Marche verte du 6 novembre 1975. / Ph. DR
Trois résolutions de l’ONU sur le Sahara en moins d’un mois
Deux jours plus tard, soit le 22 octobre, le Conseil de sécurité vote sa résolution n° 377. Il «prie le secrétaire général d’engager des consultations immédiates avec les parties concernées et intéressées et de faire rapport dès que possible au Conseil de sécurité sur les résultats de ses consultations en vue de permettre au Conseil d’adopter les mesures appropriées pour faire face à la situation présente concernant le Sahara occidental», indique le texte de la résolution.
Le Conseil appellera également «les parties concernées et intéressées pour qu’elle fassent preuve de retenue et de modération et pour qu’elles mettent le Secrétaire général en mesure d’entreprendre sa mission dans des conditions satisfaisantes».
Le Conseil de sécurité émettra, par la suite, deux autres résolutions. La première, datant du 2 novembre 1975, comprend un message demandant aux parties d’«éviter toute action unilatérale ou autre qui pourrait encore aggraver la tension dans la région». A la suite de la 1853e séance du Conseil de sécurité, ce dernier adresse, le 6 novembre 1975, un message claire au roi Hassan II l’appelant à ne pas marcher vers le Sahara.
«Le Conseil de sécurité m’a autorisé à adresser à Votre Majesté une requête urgente pour la prier de mettre fin immédiatement à la marche déclarée dans le Sahara occidental.»
Lettre adressée par le Président du Conseil de sécurité au roi Hassan II
Le 6 novembre, alors que les Marocains marchaient du Nord du pays vers les provinces du Sud, le Conseil votait sa résolution n°380, où il «déplore l’exécution de la marche» et «demande au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche».
Mais la Marche a pu réaliser en quelques jours ce que l’ONU peinait à concrétiser depuis des années. Huit jours plus tard, l’’Espagne signait les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie, le 14 novembre 1975, officialisant son retrait du Sahara et le partage du territoire. Un partage qui durera près de quatre an avant que la Mauritanie abandonne le tiers sud du Sahara, le 10 août 1979.