Le 20 novembre 1979, le site le plus sacré de l’Islam a été envahi par des centaines d’hommes dirigés par l’extrémiste saoudien Juhayman al-Otaybi. Le groupe qualifié de terroriste par l’Arabie saoudite avait occupé la Grande mosquée de La Mecque, al Masjid al-Haram, dans une tentative de protester contre la monarchie saoudienne.
Mais avant de préparer l’opération, c’est au cours des années 1970 qu’un groupe salafiste, «Al Jamâa Assalafiya Al Mohtassiba», a été créé en Arabie saoudite avec comme objectif de dénoncer et de lutter contre la corruption et les hérésies. Membre éminent du groupe, Juhayman al-Otaybi, un ancien caporal retraité de la Garde nationale saoudienne, marquera un tournant décisif dans la vie de ce groupement, en déclarant publiquement son opposition à la dynastie des Al Saoud, dirigée à l’époque par le roi Khalid bin Abdul Aziz. Le groupe salafiste franchira donc une nouvelle phase : celle de la clandestinité.
La Mecque en 1980. / Ph. DR
Dans son ouvrage «Des jours avec Juhayman», le chercheur saoudien Nasser Al Hazimi ayant été lié au véritable cerveau de ce groupe salafiste, raconte comment ce groupement devenu clandestin a commencé à comploter pour faire l’assaut de la Grande Mosquée un an avant l’incident. Il précise aussi que ses anciens frères d’armes déclareront ensuite que l’un d’entre eux serait Al Mahdi Al Mountadar, le guide attendu de l’Islam qui apparaîtra pour régner pendant des années avant le Jour du Jugement et qui débarrassera le monde du mal. Ils choisiront même cette personne avant de désigner Mohammed Bin Abduallah Al Qahtani comme le très attendu Mahdi.
Nasser al Hazimi a rappelé dans son livre «Des jours avec Juhayman» qu’Al Qahtani n’était pas vraiment convaincu de l’idée au début mais a été plus tard pleinement engagé et a planifié comment le groupe peut entrer dans la Grande mosquée avant d’en prendre le contrôle.
S’infiltrer dans Al Masjid Al Haram
Le groupe a soigneusement tracé son plan destiné à occuper la Grande mosquée de La Mecque. Des armes ont alors été infiltrées par certains membres ayant prétendu être présents à la mosquée pour prier, à travers des cercueils, puis à travers des véhicules transportant de l’eau.
Dès la fin de la prière du Fajr, les membres du groupe ont repris la Grande mosquée, avant de communiquer via son micro principal les raisons imminentes de leur raid.
Les fidèles, tentant de fuir la mosquée, réalisaient alors que les portes étaient bien fermées. Un membre du groupe salafiste prononçait un discours peu de temps après le raid, soutenant ce dernier par des versets du Coran et des hadiths qui évoquent l’apparition du Mahdi. Immédiatement après ce discours, Juhayman et ses partisans forceront même les otages à prêter allégeance au groupe du «Mahdi Mohammed Bin Abdullah Al Qahtani».
Juhayman al-Otaybi après son arrestation. / Ph. DR
Choquée par les nouvelles, l’Arabie saoudite tente de contrôler la situation, dépêchant alors des troupes à La Mecque afin de récupérer le lieu saint et libérer les fidèles. Mais les forces saoudiennes seront accueillies par des balles alors qu’elles tentaient de s’approcher de la mosquée. Des hommes armés auraient encerclé la zone, avant d’ouvrir le feu.
Trois jours après l’occupation de la Grande Mosquée, Abdullah Al Qahtani, que l’on croyait être le Mahdi, sera abattu. Un grand choc pour ses naïfs partisans qui croyaient qu’il était «immortel» et que l’armée saoudienne ne pouvait pas le tuer.
Le siège durera deux semaines avant que les forces spéciales saoudiennes n’arrivent à pénétrer dans la Grande mosquée, avec l’aide du Groupe des services spéciaux pakistanais et la France, qui dépêchera le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale et fournira aussi un gaz lacrymogène spécial. Ce n’est donc que le 4 décembre que les forces saoudiennes reprennent le contrôle du lieu saint.
Des membres du groupe terroriste lors de leur arrestation. / Ph. DR
Retour à la normale
Selon les rapports officiels saoudiens, 12 officiers, 115 soldats et 26 civils ont été tués. Parmi les disciples de Juhayman, 117 personnes ont été tuées et 61 ont été exécutées par la suite. Ils seraient aussi 19 hommes emprisonnés et 23 enfants et femmes à avoir été libérés.
Mais les récits de l’assaut, de son déroulement et de sa mise en échec divergent considérablement, même entre les différents rapports officiels des autorités saoudiennes.
Le 9 janvier 1980, Juhayman est exécuté par les autorités saoudiennes, tout comme les membres de son groupe terroriste. Ils seraient 39 Saoudiens, 10 Égyptiens, 6 Yéménites, quelques Koweïtiens, Irakiens et Soudanais exécutés par l’Arabie saoudite dans différentes places publiques ce jour-là.
Parmi les disciples de Juhayman, 117 personnes ont été tuées et 61 exécutées par la suite. / Ph. DR
Après avoir expulsé Juhayman et ses hommes de la Grande mosquée, le monarque saoudien assitera en personne à la prière du Maghreb le jour-même. Au lendemain de l’opération réussie des forces saoudiennes, plus de 150 000 fidèles se rendront à Al Masjid Al Haram pour assister au prêche et la prière du vendredi.
L’assaut aura aussi des conséquences à l’échelle internationale, puisque plusieurs ambassades des Etats-Unis, notamment celle au Pakistan et en Libye, seront incendiées suite à des déclarations l’ayatollah Khomeini qui accusait le pays de l’Oncle Sam d’être derrière l’assaut contre le lien le plus sacré de l’Islam.