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La mésaventure marocaine du peintre néerlandais Justus Stuyling


Fils d’un orfèvre, Justus Cornelisz Stuyling est né vers 1595 et a grandi en même temps que le célèbre dessinateur et peintre néerlandais du siècle d’or, Leonard Bramer. A Oude Delft, au nord-ouest de Rotterdam, Justus Stuyling côtoie notamment le célèbre peintre Willem Willemsz Luijt, qui vivait au même endroit.

Justus Cornelisz Stuyling grandit alors entouré de personnes talentueuses, à l’instar de son cousin présumé Abraham Lambrechts Stuling et son beau-frère Hendrick Arentsz Vapor.

A l’âge de 25 ans, le talentueux Justus Stuyling est déjà un peintre confirmé bien qu’il ne soit pas sans histoire. En effet, l’écrivain Jeroen Stolk rappelle deux affaires judiciaires où le nom du peintre est cité.  

Justus Stuyling devient peintre du sultan saadien à 25 ans

C’est en 1620, alors que l’été vient de commencer, que quelqu’un se présente chez Justus. Il s’agit bien de Jacques Fabre, envoyé du roi saadien Moulay Zidane, neuvième sultan de la dynastie saadienne du Maroc, fils d’Ahmed Al Mansour Ed-Dahbi, grand amateur d’art et poète. Justus Stuyling se voit ainsi proposer d’accompagner l’émissaire chérifien au Maroc pour devenir le peintre du sultan. «Le 8 juillet 1620, Justus se rendit au Maroc avec Fabre. L’accord était que Stuyling servirait le sultan», poursuit l’historien. Le peintre a pour mission de concevoir des fresques au sein du Palais Al Badi, alors bijou architectural de Marrakech, capitale de la dynastie saadienne.

Ce récit est d’ailleurs confirmé dans «Les sources inédites de l’histoire du Maroc» qui évoque une requête adressée aux Etats-généraux des Pays-Bas sur un «Justus Stuyling, peintre de Rotterdam, retenu au Maroc depuis plus de quatre ans». Le cas du peintre néerlandais est aussi cité par l’Institut néerlandais d’histoire de l’art.

En 1623, Justus Stuyling rencontre Albert Cornelis van Ruyl, principal marchand du navire néerlandais «Overijssel» qui deviendra un ami. Le travail du peintre néerlandais est «apparemment tellement apprécié par le sultan que les six mois se sont terminés en années». Mais l’aventure marocaine ayant animé le jeune peintre, âgé alors de 28 ans, se transformera bientôt en mésaventure.

Il était peintre de la cour depuis plus de quatre ans lorsqu’il rencontre à nouveau son ami Albert Cornelis Van Ruyl à qui il confie qu’«après les deux premières années au service du sultan, il n’avait pas reçu un sou et vivait dans une pauvreté extrême».

Palais El Badi à Marrakech. / Ph. DRPalais El Badi à Marrakech. / Ph. DR

Justus demande ainsi à son ami de «plaider sa cause devant les États généraux des Pays-Bas. Jeroen Stolk ainsi que «Les sources inédites de l’histoire du Maroc» confirment aussi que plusieurs Néerlandais avaient plaidé la cause du jeune peintre auprès d’abord du sultan saadien. «Toute demande était immédiatement rejetée et il a été formellement interdit à Albert van Ruyl d’emmener Justus à bord de son navire s’il quittait le Maroc le 1 er juin 1624», poursuit-on.

Un peintre disparu au Maroc tout comme ses œuvres

De retour aux Pays-Bas, Ruyl aborde la question avec les États généraux. Il raconte la pauvreté dans laquelle Justus vit au Maroc, à quel point il est malheureux et le fait qu’il soit retenu là-bas contre sa volonté. Le 21 novembre 1624, les États généraux décident de porter l’affaire devant l’ambassadeur du Maroc en Hollande, Youssef Biscaino, qui devait se rendre dans son pays le 6 janvier 1625.

Et c’est à ce niveau que s’arrête l’histoire du peintre néerlandais. Aucun document indiquant le cours de l’affaire ni le sort de Justus Stuyling depuis cette date, laissant place à la spéculation.

Jeroen Stolk raconte comment l’histoire indique qu’un certain Pieter Maertensz Coy s’était rendu ensuite au Maroc, à la demande des Etats-Généraux pour rencontrer un peintre néerlandais, sans que cette piste ne cite de nom précis. Il reconnait aussi que durant cette période, le Maroc avait failli se transformer en un royaume des Taifas, avec l’arrivée, plus tard, des Alaouites, déplorant le fait que les sultans avaient l’habitude de détruire les patrimoines de leurs prédécesseurs. Car, en 1696, le sultan alaouite Moulay Ismail avait décidé de dépouiller le palais El Badi de ses richesses pour construire sa capitale Meknès.

Illustration. / DRIllustration. / DR

L’écrivain Jeroen Stolk évoque aussi, en l’absence de toute trace du peintre, la piste brésilienne. En effet, en 1639, un cousin présumé de Justus Stuyling, Cornelis Lambrechts Stuling se rend au Maroc en tant que secrétaire dans la suite du marchand et envoyé du royaume chérifien Isaac Pallache, un proche du diplomate juif marocain Samuel Pallache, mort en 1616. «C’est plus qu’un hasard si Justus a également maintenu des contacts avec la famille Pallache au Maroc», poursuit l’écrivain qui rappelle qu’Isaac Pallache a quitté le Maroc à l’automne 1639 pour la ville brésilienne de Recife, en compagnie de Cornelis.

Il n’écarte d’ailleurs pas la piste selon laquelle Justus Stuyling les aurait probablement accompagnés. «Après tout, le Brésil hollandais était l’endroit idéal pour les peintres. Comme on n’a jamais entendu parler de lui dans son pays, il est probable qu’il soit mort ou parti au Brésil», affirme-t-il, rappelant que Moulay Zidane, le roi saadien qui l’empêchait de quitter le Maroc, mourut en 1627.





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