Quelle mouche a piqué la Fédération Internationale de Football Association ? C’est la question qui a agacé un journaliste d’El Independiente depuis la candidature commune Espagne-Portugal-Maroc pour le Mondial 2030, au point de consacrer un article sur les différentes versions de la carte du Maroc dans les documents de la FIFA. Il en veut particulièrement à la Fédération espagnole de football d’avoir concédé au Maroc la publication de la carte incluant le Sahara occidental, dans le dossier de candidature commun.
Après avoir fouillé dans les rapports d’évaluation par la FIFA des candidatures pour les Coupes du Monde de football 2026 et 2030, Francisco Carrion en conclut que la FIFA a déjoué la «manœuvre» de la Fédé marocaine avec la complicité de la Fédé espagnole.
«Le rapport d’évaluation de la candidature signé par la FIFA, dont le siège est en Suisse, a évité de reproduire la carte du Maroc distribuée par la monarchie alaouite, et adhère à la carte reconnue internationalement, avec des frontières définies au sud par le Sahara occidental.»
El Independiente
Ce journal est également connu pour ses attaques et critiques fréquentes visant la Fédération espagnole de football. Un ton tout aussi virulent à l’égard du Maroc. En effet, El Independiente avait précédemment critiqué le souhait du Maroc d’accueillir la finale de la Coupe du Monde, en pointant la «nature dictatoriale» du Royaume. Pour Francisco Carrion, la FIFA a ainsi rendu justice cartographique au Sahara occidental, comme elle l’avait fait lors de la candidature solo du Maroc pour le Mondial 2026.
Les médias algériens en embuscade
Une critique qui a très vite fait les choux gras des médias algériens. Le site de la chaîne d’information publique Al24news a publié un article indiquant que «la FIFA rejette la carte présentée par le Maroc incluant le territoire du Sahara occidental, frustrant les aspirations illégitimes du Makhzen». Le média croit deviner que la FIFA considère la carte présentée par le Royaume «contredisant la légitimité internationale et les résolutions des Nations Unies». Une affirmation basée sur aucune source au sein de la FIFA, ni aucune déclaration officielle.
Sur un ton satisfait, Al24 a ajouté que «le rapport technique publié par la FIFA la semaine dernière a complètement détruit les aspirations de Rabat», car «la FIFA a refusé d’adopter la carte marocaine présentée par le régime marocain (Makhzen) et a suivi la carte internationalement reconnue, qui sépare le Maroc du Sahara occidental».
Même ton péremptoire sur le site sportif algérien Fennec Football, titrant son article d’un cinglant : «La FIFA gifle le Maroc et le remet à sa place !» (sic) N’hésitant pas à dribler entre football et géopolitique, le site sportif explique que la candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 2030 s’est heurtée à un «obstacle géopolitique majeur. La FIFA a récemment rectifié la carte soumise par le Maroc, qui incluait le Sahara occidental comme partie intégrante de son territoire, provoquant un camouflet pour le régime alaouite».
Le verdict est clair et sans nuance pour Fennec Football : «Cette décision marque un rappel clair à l’ordre, en phase avec sa position de 2018, lors de la candidature marocaine en solitaire pour le Mondial 2026.»
Laissons parler les cartes
En analysant les différentes cartes dans les rapports de la FIFA, il faut reconnaître que sur le dossier de candidature du Mondial 2026, le Maroc est affiché sans le Sahara occidental en page 9. Une séparation qui a disparu en page 16 du même document officiel de la FIFA qui date de… 2018. Match nul. Balle au centre.
Mais qu’en est-il pour le dernier rapport d’évaluation pour l’organisation du Mondial 2030 et qui a été publié il y a une semaine ? La carte du Maroc intégrant le Sahara occidental est visible en couleur rouge sur les pages 18, 26, et 92. Il y a parfois une légende qui recouvre une partie du Sahara occidental, ou bien un zoom qui n’affiche pas l’extrême sud du territoire, mais il est facile de reconnaître qu’aucune carte ne suit le tracé du parallèle 27°40 nord qui marquait la frontière entre le «Sahara espagnol» et le reste du Maroc. On peut d’ailleurs deviner l’emplacement de Laayoune, Mahbes ou Smara sur la partie en rouge.
La carte de la FIFA à côté d’une carte d’une organisation affiliée au Polisario
Un joli CSC
La Fédération Internationale de Football Association a-t-elle ménagé les différentes parties en rusant sur l’affichage de la carte du Maroc ? C’est une possibilité. Mais il est plus légitime de supposer que cette représentation est simplement l’œuvre d’un infographiste qui avait pour mission de mettre dans le cadre 3 pays, en privilégiant les villes accueillant les matchs du Mondial 2030, toutes situées au nord pour le Maroc.
Un cadrage par l’infographiste qui n’est pas nouveau d’ailleurs. Lors de l’évaluation de la candidature commune Canada – États-Unis – Mexique pour accueillir la Coupe du Monde 2026, la FIFA a publié une carte des États-Unis, qui n’incluait qu’une partie de l’Alaska, une zone non contestée mais excentrée, et qui n’accueillera pas de matchs pour le Mondial 2026. Il en est de même pour l’extrême nord du Canada.
La diplomatie dans un jeu de cartes
Alors bilan des cartes ? On peut parler d’une tempête dans un verre d’eau ! Tirer des conclusions (en positif ou en négatif) sur un conflit territorial qui est sur la table des Nations Unies depuis 1963, avec des interprétations partiales d’une carte dans un rapport de la FIFA, c’est un peu comme jouer aux billes pour désigner le vainqueur d’une guerre. La carte complète du Maroc ou sans le Sahara occidental sur un rapport de la FIFA n’a aucune influence sur le sort du contentieux à l’ONU.
Pour les amoureux du ballon rond, une seule information à garder en tête : l’enjeu de ce rapport footballistique mondial sera scellé, le mercredi 11 décembre 2024, lors de sa conférence extraordinaire de la FIFA qui aura lieu par visioconférence.