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La cassata, un gâteau de fêtes à la croisée des influences arabes en Sicile


Depuis plus de 1 000 ans, la préparation d’un dessert typiquement sicilien a évolué au gré du potager local, élargi par les produits développés par les romains, ou encore ceux introduits par les arabes et les normands dans l’île italienne. Initialement à base de ricotta sucrée, les saveurs de la cassata seront relevées avec le cédrat et l’eau de fleur d’oranger, ou encore la cannelle. Enveloppée dans une pâte d’amande colorée, sa décoration aux fruits confits et à l’écorce d’orange semble avoir trouvé son rappel dans le glaçage de gâteaux à la crème plus contemporains.

Ces éléments se retrouvent notamment dans les douceurs qui ont sucré les anniversaires de l’enfance, ou celles en vogue durant les périodes de fêtes de fin d’année, au-delà de l’indétrônable bûche de Noël. Mais il y a plusieurs siècles, la cassata s’est dégustée à plusieurs occasions. Amateurs de pâtisserie, défenseurs du savoir-faire ancestral et historiens ont continuellement débattu de ses origines antérieures.

Certains estiment que la cassata trouve ses sources dans l’ère romaine, voire grecque, lorsque les desserts faits de pâte basique ont été sucrés au miel. En l’espèce, les origines de cette préparation remonteraient à il y a plus de 2 000 ans, selon le journaliste culinaire Gaetano Basile. Pour d’autres, cette pâtisserie a été façonnée surtout entre les IXe et le XIe siècles, notamment durant la présence arabe dans le sud d’Italie.

Mille-feuille historique des traditions régionales

Selon cette version faisant le lien entre la cassata et la Sicile arabo-normande, l’appellation serait dérivée du terme «Qas’at» (bassine), en référence au récipient dans lequel un paysan arabe aurait mélangé sa ricotta de brebis au produit final des champs de la canne à sucre. Cet usage aura illustré un croisement du savoir-faire local laitier avec des influences culinaires venues du Moyen-Orient, ou encore de la péninsule ibérique.

Ce serait ensuite à la cour de l’émir de Palerme que les cuisiniers auront eu l’idée d’envelopper la préparation dans une pâte brisée, pour ensuite la cuire au four. La ricotta et le sucre restent la base de la recette, mais la pâte brisée laissera place à la pâte d’amande. Le chocolat s’y greffera avec les Espagnols et on y ajoutera une génoise légère (pan di spagna), ainsi que de la vanille. Durant le XIVe siècle, le terme «cassata» sera défini expressément.

Le nom de la pâtisserie figure dans le «Declarus» d’Angelo Sinesio, premier abbé de San Martino delle Scale à Palerme. Ayant vécu de 1305 à 1386, il est en effet l’auteur du premier dictionnaire latin sicilien.

Des traces historiques du XVIe siècle montrent que la cassata a été aussi un incontournable de la table des fêtes pascales. La version qui se fonde sur l’introduction de la canne à sucre par les arabes en Sicile comme élément ayant permis de développer cette préparation suggère également le rôle de cet ingrédient dans l’évolution de nombreuses autres pâtisseries siciliennes.

Ainsi la cassata sera-t-elle façonnée et enrichie par les dynamiques commerciales, agricoles et maritimes, dans une région connue pour avoir été une plaque tournante de l’économie en Méditerranée. Cette mobilité définira le savoir-faire culinaire de l’île plus largement, chaque population venue ayant apporté son lot de pratiques, qui feront partie intégrante du terroir. Le nom de la cassata figuera encore dans le «Vocabulaire étymologique sicilien» de Michele Pasqualino, en 1785.

Cette pâtisserie y est définie comme une «sorte de gâteau à base de ricotta sucré, avec une enveloppe de pâte, également sucrée, de forme ronde». Vincenzo Mortillaro reprendra ces termes, dans son «Dictionnaire» de 1876.

Vus aujourd’hui comme un ingrédient indispensable à la cassata sicilienne, les fruits confits n’y auraient été incorporés qu’au cours de l’ère baroque, qui a marqué les années entre les XVIe et XVIIIe siècles.

Une transition de la cuisson à la préparation à froid

Retraçant cette évolution, l’auteur et historien britannique John Dickie fait savoir que «ce n’est qu’au XVIIIe siècle que la forme du dessert a pris une apparence similaire à celle d’aujourd’hui». Auteur de l’ouvrage «Con gusto, storia degli italiani a tavola» consacré à l’Histoire de la table italienne, le chercheur garde par ailleurs des réserves sur les origines arabes de la cassata, au vu des mentions grecques et romaines aux version basiques.

Incarnant pour autant une mille-feuille d’événements historiques, cette pâtisserie passera bien plus tard de la cuisson au four à la préparation à froid. Au cours du XIXe siècle à Palerme, ce sera le chef pâtissier Salvatore Gulì qui assurera cette transition.

Connu au Maroc sous une déclinaison aux origines andalouses, le «massepain» à base de pâte d’amande et de sucre prend la forme de «frutta martorana», dans sa version sicilienne. Il s’ajoutera aux ornements de la cassata, en plus de la «zuccata», la courge confite issue des cultures entretenues par les religieuses palermitaines.

La forme glacée et plus actuelle du dessert, telle que définie par Salvatore Gulì, est finalisée en 1873. La version cuite au four existe toujours et continue à avoir des adeptes, la crème de ricotta et la pâte d’amande restant les bases unanimement indiscutables. Des variantes locales incluent des ingrédients spécifiques pour compléter la préparation, en fonction des usages propres à chaque région : pistache, liqueur, cannelle…

Il s’agit même du principe de cette recette, à la fois ancestrale et adaptée aux produits du terroir, selon leur disponibilité limitée ou à volonté.

Préparée en famille, dans les pâtisseries artisanales ou par les grands chefs étoilés, la cassata conserve ainsi ses subtilités locales en Sicile. Celles-ci la différencient à Palerme, au centre-nord, à Catane à l’est, à Noto et Syracuse dans le sud, ou encore à Trapani, dans l’ouest.

Depuis, le dessert s’est internationalisé, avec un glaçage aux couleurs chatoyantes repris en apparence dans d’autres gâteaux, combinant génoise, chocolat, crèmes et fruits confits, intégrés à la préparation ou à la décoration.





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