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La carte des grandes bibliothèques de manuscrits du Maroc


Abdelouahab Sibaouaih ben Abdelbaki possède des milliers de manuscrits pluriséculaires à Laâyoune et Boujdour hérités de sa famille. Il n’est pas le seul. En réalité, le Maroc est rempli de manuscrits anciens rassemblés dans des bibliothèques privées appartenant à des zaouia, des merdersa et de grandes familles. Il révèle une carte de ce qu’il considère comme les principales collections.

Tour d’horizon de 12 bibliothèques de manuscrits au Maroc.

  • La bibliothèque de la Zaouia Naciria, à Tamegrout

La Zaouïa Naciria a été fondée au XVIIe siècle au Maroc à Tamegroute, par Mohammed Ibn Nacir, disciple d’Abou Hafs Omar Ibn Ahmed Al Ansari. La bibliothèque de la zaouia a la réputation de rassembler, entre autres un ouvrage de Pythagore en arabe, un exemplaire tricentenaire du Coran, ou encore des manuscrits d’Ibn Sina, d’Ibn Rochd et d’Al-Khwarizmi, mais elle a perdu beaucoup de livres. «Un bâtiment a été construit, il y a plusieurs dizaines d’années, écrivait un journaliste du Matin en 2005, par le ministère des Habous et des Affaires islamiques à proximité de la Zaouia où sont conservés les manuscrits ou du moins ce qui en reste. En 1962, près de deux mille ouvrages auraient été transférés à la bibliothèque générale à Rabat pour être restaurés. Ils n’ont jamais été restitués.» Cette bibliothèque a pourtant eu un grand rôle dans la culture de Ahmed ibn Khalid Al Naciri, l’auteur, au XIXe siècle, d’Al Istiqsa, l’Histoire complète du Maroc.

  • La bibliothèque de la Zaouia de Sidi Ouagag, à Tiznit

Ouagag Ben Zelou Lamti fonda la première école coranique et théologique du Souss au IXe siècle, à peine 5 siècles après l’avènement du prophète Mohamed. Elle forma notamment le fondateur de la dynastie almoravide Abdullah Ben Yassine. «Au tout début, le Coran et la Tradition du Prophète (hadith) y étaient enseignés exclusivement. Avec le développement de l’islam, la mosquée s’ouvrit aux études et aux nouvelles sciences qui dérivèrent de ces deux grandes sources islamiques. Ainsi apparurent des matières tels que le fiqh (le droit musulman) et la théologie. «Étant donné le rôle pédagogique joué par ces centres intellectuels que furent les mosquées, il était normal qu’on les dotât d’un endroit ou d’une pièce comprenant des exemplaires du Coran, des recueils de hadiths et quelques traités de fiqh dont se servaient aussi bien les étudiants que les maîtres. C’est ainsi qu’est née la bibliothèque en Islam, en liaison avec l’espace sacré, à l’instar des bibliothèques antiques», explique Romain Simenel dans «Le livre comme un trésor» reprenant l’analyse de Ahmed Chouqui Binebine, dans Histoire des bibliothèques au Maroc.

Depuis, l’endroit est resté un lieu de pèlerinage sur la tombe du fondateur et d’étude. «Cette zaouia a connu des transformations profondes durant les dix dernières années, grâce à un bienfaiteur qui a pris en charge les frais des travaux de construction et d’extension, tant et si bien que la zaouia dispose désormais, sur trois étages, d’un réfectoire, de dortoirs pour les étudiants, de bureaux pour les enseignants, d’une chambre pour hôtes, de dépendances sanitaires et de salles d’études d’une capacité de 80 bénéficiaires», révélait la MAP en juillet 2014. Quelques mois plus tard, à l’automne, les pluies diluviennes viennent grossir l’oued, à proximité de la zaouia. «C’est cette zone, juxtaposée au lit de l’Oued qui a été la plus touchée par les inondations, révèle le rapport citoyen «des toits pour le Sud» suites aux inondations de 2014. Bien que la mosquée ne se soit pas effondrée, ses fondations ont été gravement touchées et de nombreuses archives perdues. A Aglou, la cause de l’effondrement des 100 maisons est simple : les habitations ont été construites en zones inondables, c’est à dire, directement sur le lit de l’oued. Avec la montée des eaux toutes les maisons au bord et sur l’oued ont été emportées. La cité universitaire adossée au sanctuaire également.»

  • Ahl Barikallah à Aoussserd

A Aousserd, dans l’extrême sud, la tribu des Ahl Barikallah possède une grande bibliothèque. Elle compte en effet parmi ses membres la grande figure de Cheikh Mohamed El Mami (1791-1865), grand érudit de Chenguit – situé aujourd’hui en Mauritanie – qui a puisé ses connaissances de ses voyages, de ses lectures et des savants de son époque. Ce personnage historique qui a rayonné dans la jurisprudence, la littérature, la grammaire, la poésie, les mathématiques, l’astronomie, la géologie, le droit constitutionnel…

  • El Mohamed Salem à Dakhla

Quelque part au Sahara, du côté de Dakhla, les héritiers de Cheikh Mohamed Ben Mohamed Salem, dont la tombe se trouve dans la localité de Domess, dans la province d’Aousserd, conservent leur grande bibliothèque familiale.

  • Cheikh Malaynine, à Tiznit et Smara

Cheikh Malaynine est plus connu pour avoir lancé le jihad contre les chrétiens, au moment de la colonisation française, que pour ses ecrits. «Pourtant, rappelle Ángela Hernández, specialiste espagnole de l’histoire du Sahara, on peut dire qu’il représente le dernier auteur musulman  à disposer d’un savoir encyclopédique, hérité de la tradition orientale et adapté par l’Islam. Une connaissance traditionnelle héritée des enseignements de son père et des lectures d’auteurs musulmans.» Il est notamment l’auteur d’ouvrages ésotériques, dont «L’élimination de la crainte par l’invocation des lettres», écrit en 1962, où «il met en place une série de 29 invocations à la divinité, basées sur la série des lettres de l’alphabet arabe (augmenté d’un lâm-alif), chacune étant suivie d’indication pratiques sur les objectifs poursuivis et les modalités d’utilisation. Très spécifiquement, certaines de ces invocations sont conçues comme des actions contre la sorcellerie. […] L’islam comme meilleur obstacle à la sorcellerie est une image récurrente en Afrique noire», analyse Hames Constant, chercheur au centre d’études interdiscipinaires des faits religieux de l’EHESS dans «Problématiques de la magie-sorcellerie en islam et perspectives africaines», en 2008. Aujourd’hui, «la majeure partie des traités du Shaykh Mal’ aynîn est détenue par ses descendants dans plusieurs zawiya, de la région de Tiznit à celle de Smara», précise Romain Simenel.

  • Mohamed Mokhtar Soussi à Agadir

Mohamed Mokhtar Soussi né en 1900 dans le village d’Illigh de la vallée de Dougadir dans le Souss est l’auteur d’une œuvre encyclopédique Al Maâssoul (Le mielleux) sur l’histoire de sa région natale. Fils du grand soufi El Hadj Ali Derkaoui, il s’était s’installe à Marrakech pour ouvrir une école, et enseigner la culture amazighe, en plein potectorat français. Entre 1955 et 1956, il a même été ministre des Habous et des Affaires religieuses dans le gouvernement Bekkay Ben M’barek Lahbil. Aujourd’hui, son fils Abdelouafi Mokhtar Soussi, a été chargé, par le reste de sa famille de sauvegarder son leg intellectuel, revèle l’Opinion au moment du cinquantenaire de sa mort. Il essaie de faire publier certains de ses ouvrages dont beaucoup – 25 livres manuscrits – restent sans lecteurs.

Le père de l’actuel chef de gouvernement, Salaheddine El Othmani, issue d’une illustre famille d’érudits de la région d’Inezgane, avait rassemblé une vaste bibliothèque à laquelle il a préféré se consacrer, se dédiant aux sciences et à la culture, plutôt qu’à la politique, a révélé son fils dans une interview. Le père de Saâdeddine El Othmani a en effet quitte le parti de l’Istiqlal dont il avait été membre.

Diplômé reputé d’Al Qaraouyine et militant nationaliste à la fin du Protectorat, Abdelhadi Tazi a été ambassadeur du Maroc après l’indépendance, dans plusieurs pays du Moyen Orient. C’est à Bagdad qu’il a entame l’écriture de « L’Histoire de la diplomatie marocaine » en 15 tomes. Grand érudit et homme de lettres, il a accumule une vaste bibliothèque à Fès, sa ville natale.

  • Abdelouahab Benmansour, à Rabat

Intime de Hassan II, alem et enseignant à Al Qaraouyine, Abdelouahab Benmansour a été l’historiographe du Royaume de 1961 à 2008. «Il est resté un symbole de fidélité et de dévouement dans l’accomplissement des responsabilités qu’il a assumées, en tant qu’historiographe du Royaume, directeur des archives royales, conservateur du mausolée Mohammed V et membre de l’Académie du Royaume, devenant ainsi l’une des références officielles en matière de documentation et de recherche sur l’histoire du Maroc», a ainsi ecrit Mohammed VI dans un message de condoléance lors de son décès en 2008. Passionné d’histoire, il a réuni nombre de manuscrits dans sa propre bibliothèque.

La zaouia kettania est la gardienne de l’héritage spirituel de Cheikh Mohammed ben Abdelkebir Kettani. Particulièrement connu pour avoir levé une harka contre Moulay Hafid lorsque ce dernier a signé le traité du Protectorat en 1912, Abdelkebir Kettani était egalement un alem influant au tout début du XXe siècle. «Il milita pour des réformes internes et pour un islam combinant soufisme et salafisme», rapporte David Benssoussan dans «Il était une fois le Maroc : témoignages du passé Judéo-marocain». Ce paria et érudit accumula avec son frère une vaste bibliothèque. Abdelhay El Kettani, au contraire de son frère, s’associa à la Régence du Protectorat pour soutenir – d’une fatwa – le renversement de Mohammed V par le pacha de Marrakech, Thami El Glaoui. Aujourd’hui, une partie de la bibliothèque privée des deux frères, ainsi que d’Ibrahim et Thami El Glaoui se trouve parmi la collection de manuscrit de la Biblithèque Nationale du Royaume.

  • Khalid Beddaoui Sbaï, à Tanger

La bibliothèque privée d’un Marocain de Belgique passionné de manuscrits.

  • Abdellah Guennoun, à Tanger

Issu d’une grande famille tangeroise, fils de Abdellah ben Cheikh Touhami, Abdellah Guennoun est devenu, à l’indépendance, le premier gouverneur de Tanger. Salafiste, il souhaite un retour au Coran et aux hadiths mais défend le Maroc contre la condescendance des penseurs arabes du Moyen Orient dans «Le génie marocain», interdit durant le protectorat. Grand arabisant, Abdellah Guennoun a étudié et écrit sur la langue arabe, sa grammaire, la darija … Il a également correspondu avec les intellectuels de son temps. Sa correspondance, en plus de tous ses ouvrages sont toujours rassemblés aujourd’hui dans sa bibliothèque à Tanger.





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