Le procès de l’ex-député marocain Saïd Chaou s’est ouvert lundi à Breda, aux Pays-Bas, rapportent les médias néerlandais. Chaou, accompagné de 15 autres coaccusés, fait face à des accusations de trafic de drogue, de blanchiment d’argent et d’appartenance à une organisation criminelle, dans un procès très attendu.
Cette affaire fait suite à une vaste opération policière menée en 2015, qui a permis de démanteler un réseau opérant dans le Brabant occidental, impliqué dans la culture, l’exportation et la vente illégale de cannabis.
Les accusés, parmi lesquels figurent plusieurs membres de la famille de Saïd Chaou, auraient amassé des millions d’euros grâce à une ferme de cannabis située à Sprundel, et auraient exporté la drogue vers la France. Ils géraient également deux grow shops à Etten-Leur, dans la province du Brabant du Nord, où la police a saisi 100 kilos de cannabis.
Douze des suspects ne se sont pas présentés au tribunal, et certains pourraient rester absents durant tout le procès, qui devrait se poursuivre jusqu’au début avril.
Lors de l’audience, Saïd Chaou a été interrogé sur les accusations de blanchiment d’argent, le ministère public cherchant à récupérer 338 000 euros, supposément issus d’activités criminelles, déposés sur ses comptes personnels.
Ces fonds auraient servi à financer des achats, notamment un BMW X5 et une partie de sa maison à Roosendaal. Le tribunal a questionné Chaou sur l’absence de preuves de revenus réguliers, tels que ceux de son agence de voyages ou de son service de ferry au Maroc, pour justifier ces dépenses.
«Je commerce des oranges et de la menthe, et je vends aussi beaucoup de moutons et d’agneaux pour la fête de l’Aïd al-Adha. C’est très rentable», a répondu calmement Chaou. «J’ai beaucoup d’argent au Maroc. Je suis un homme d’affaires bien connu à El Hoceima. La culture là-bas est différente. Tout le monde paie en espèces et personne ne paie de taxes sur les produits agricoles», a-t-il affirmé.
Tensions diplomatiques autour du procès de Chaou
L’enquête sur Saïd Chaou et ses associés a duré près d’une décennie, et le ministère public expliquera les raisons de cette longueur lors des réquisitions. Les médias néerlandais soupçonnent que les retards pourraient être dus à des sensibilités politiques entourant l’affaire, en plus de la pandémie de COVID-19. En effet, Chaou est au cœur de tensions diplomatiques entre le Maroc et les Pays-Bas.
Saïd Chaou a fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis par la justice marocaine : l’un pour «association de malfaiteurs» en 2010 et l’autre pour «trafic international de drogue» en 2015. Il a quitté le Maroc en 2010 après le démantèlement du réseau du baron de la drogue Zaïmi et réside depuis aux Pays-Bas. En octobre 2018, les autorités néerlandaises ont refusé de l’extrader vers le Maroc, conduisant Rabat à rappeler son ambassadeur à La Haye.
Chaou est également un critique virulent du gouvernement marocain, agissant comme porte-parole et principal soutien du «Mouvement du 18 septembre», qui milite pour l’indépendance de la région du Rif et a émergé lors des débuts du mouvement Hirak.
Originaire de la région du Rif au Maroc, Saïd Chaou a émigré aux Pays-Bas, où il a longtemps vécu avec sa famille à Roosendaal. Il a dirigé un coffeeshop avant de perdre sa licence à la fin des années 1990. Par la suite, il est retourné au Maroc, où il s’est impliqué dans les affaires et a même été député pendant un temps.