Nous sommes à Tanger, une des régions les plus riches archéologiquement et qui comporte le plus grand nombre de vestiges antiques qu’on peut visiter ou qui sont toujours ensevelis. Pour cet épisode de Nomad, cap sur le site de Iulila Constantina Zilil, communément appelé par les chercheurs le site archéologique antique de Dchar Jdid, en rapport étroit avec le village éponyme, non loin de la cité. Ce site de grande envergure se trouve à 1,5 kilomètres à l’est du centre de la commune rurale de Had Gharbia, entre Tanger et Assilah.
Pour la visite guidée, c’est le docteur Mohamed Benhaddou, conservateur des sites archéologiques de Cotta et Zilil, qui revient pour Yabiladi sur l’histoire et l’importance de ce lieu.
Le futur de la recherche archéologique au Maroc
Mohamed Benhaddou nous explique les trois considérations sur lesquelles repose l’importance de ce site. Tout d’abord, «ce site est une véritable cité, avec une enceinte et une trame urbanistique bien définie, avec d’importants monuments aussi bien publics que privés», explique-t-il. Aussi, le site est à lui seul une représentation de la période antique qui y est largement présente.
Image d’illustration./Ph.DR
«Ce site appartient à une région dont le cadre chronologique est l’un des plus étendus, c’est-à-dire, que cette même région, la péninsule tangitane où la région de Tanger est la première à avoir vu débarquer les commerçants phéniciens et elle est la dernière à avoir vu disparaitre la présence romaine.»
Mohamed Benhaddou, conservateur des sites archéologiques de Cotta et Zilil
Le troisième point évoqué par le conservateur trouve sa source dans les des découvertes qui restent à faire, car, à ce jour, «la surface fouillée du site ne dépasse pas les 8% de la superficie totale. De ce fait, le site est vraiment le futur de la recherche archéologique au Maroc». De plus, la destruction du site, malgré qu’elle ait été menée de façon brutale, «a celé le site et donc tout y est resté, faisant de lui un véritable trésor scientifique et archéologique», souligne Mohamed Benhaddou.
Une histoire qui remonte au Ve siècle av. J.-C.
L’histoire de ce lieu est d’une importance majeure pour les scientifiques. En effet, «ce site a été éventuellement occupé dès l’époque préhistorique, au moins dès le paléolithique, c’est-à-dire 8000 à 4000 ans av. J.-C.», précise notre interlocuteur. En ce qui concerne les plus anciennes traces découvertes sur le site, les archéologues situent l’occupation de ce site à la période antique, plus précisément au IV siècle av. J.-C.
Pour ce qui est des plus anciennes structures ou constructions, «elles appartiendraient au deux niveaux Mauritanien 1 et 2, dont la datation se situerait entre la fin du IIe siècle avant J.C et le début de la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C.», précise Mohamed Benhaddou.
Carte de la Maurétanie./Ph.DR
Mais ce lieu connaîtra sa gloire lorsque l’empereur Auguste y fondera la colonie romaine nommée Colonia Iulia Constantina Zili, entre 33 et 25 av. J.-C. Les romains y fondent une véritable citadelle, avec une trame urbanistique durant le Ier et de le IIe siècle apr. J.-C.
La cité de Iulia comprenait des bâtiments aussi bien publics que privés. Jusqu’à présent, les archéologues parlent avec certitude «d’un grand temple, de termes en contrebas de la colline, de maisons péristyles et d’une basilique paléochrétienne», même si certains avaient également fait allusion à un amphithéâtre dont l’existence demeure toujours incertaine.
Face aux aléas politiques d’antan, la cité de Iulia Constantina Zilil a été détruite et reconstruite à plusieurs reprises. En effet, «la cité est détruite la première fois à une date plus ou moins méconnue, c’est-à-dire, entre 238 et le milieu du IVe siècle après J.C. Mais elle sera reconstruite vers 355-360 apr. J.-C, par décision impériale». Ressuscitée, Iulia sera finalement détruite au début du Ve siècle.
«La destruction a été si brutale et définitive que l’occupation après n’a été que très sommaire et a sévi dans le site jusqu’à son abandon définitif au Moyen-Age, où elle a été transformée en terre de pâturages.»
Mohamed Benhaddou
Un site à protéger
Le site est aujourd’hui classé patrimoine national historique à protéger, ce qui permettra certainement sa mise en valeur et son aménagement. L’observatoire de la protection de l’environnement et des monuments historiques de Tanger (OPEMH) a ainsi appelé à entreprendre, sans délai, des travaux d’exploration dans le site, à ériger une clôture et à élaborer un guide touristique pour présenter la ville antique et mettre en valeur sa particularité.
Les travaux se porteront aussi sur la construction d’infrastructures, notamment routières, nécessaires pour améliorer son accessibilité au grand public. Le conservateur du site salue cette initiative qui, selon lui, «drainera un important afflux de touristes aussi bien nationaux qu’étrangers et constituera certainement une véritable locomotive pour le développement touristique socio-économique dans cette région». «Les recherches dans le site permettront d’aller de l’avant et ressortir ce chef d’œuvre du patrimoine national», poursuit Mohamed Benhaddou.
Si le délaissement a été très marqué, Mohamed Benhaddou nous explique que c’est une question de priorisation et de moyens financiers. Les blocages sont assez symptomatiques dans la région et concernent tout d’abord les problèmes liés au foncier.
Image d’illustration./Ph.DR
«Quand on essaye de mettre en valeur un site, on doit tout d’abord assainir le foncier, parce que ces sites appartiennent à des personnes privées généralement, et c’est le cas de Zilil. Actuellement, on est en train d’acquérir le site en entier», nous explique notre interlocuteur.
Par ailleurs, Mohamed Benhaddou nous confie que «le site de Lixus est très grand et il est bien plus important, car il est considéré comme une des plus anciennes cités du Maroc. Il était donc prioritaire». Néanmoins, le site de Iulia Constantina Zilil, dont l’histoire remonte jusqu’au Ve siècle, est lui aussi un des plus importants vestiges de l’histoire du Maroc et de ce qu’on appelait la Maurétanie, conclût-il.