Isaac De Razilly, un éminent membre de la marine française et noble aventurier du XVIIe siècle, s’est rendu au Maroc avec des ambitions coloniales sous le règne de Louis XIII, roi de France de 1610 à 1643. En 1619, il entreprend une mission d’observation militaire au royaume chérifien.
Quelques années plus tard, De Razilly retourne au Maroc, cette fois à Salé, pour libérer des chrétiens réduits en esclavage par les célèbres corsaires de la ville. Cependant, sa mission s’avère moins innocente qu’elle n’y paraît. Près de la rivière Bouregreg, qui sépare Rabat de Salé, ses véritables intentions se dévoilent, déclenchant une guerre civile qui dévaste ces cités prospères grâce à la piraterie.
L’embargo à l’origine d’une guerre civile
George Joffe, professeur à l’Université de Cambridge, commente ce périple dans son livre «Afrique du Nord : nation, État et région» (Éditions Routledge, 2015). Il explique que De Razilly n’avait pas seulement pour objectif de libérer des esclaves français, mais aussi de mettre un terme aux activités des corsaires marocains.
Image d’illustration. / DR
«Si les corsaires ont généralement épargné les Anglais et les Néerlandais, ils ont ravagé les transports maritimes espagnols et français, rapportant butins et captifs à Rabat», écrit Joffe. En d’autres termes, l’amiral français s’est aventuré en Afrique du Nord pour accomplir ce que l’Espagne ne parvenait pas à faire, à savoir contrer la menace des corsaires de Salé.
Le 27 juin 1629, De Razilly met le cap sur les côtes marocaines. Selon le même ouvrage, il aurait navigué avec dix navires, mandaté pour obtenir la libération de captifs français. À son arrivée à Rabat, il se heurte au refus du Diwan, le conseil dirigeant la République de Salé (1624-1668).
Dans les mémoires d’Isaac De Razilly, cités par Leila Maziane dans «Salé et ses corsaires, 1666-1727» (Éditions Univ Rouen Havre, 2008), le vice-amiral affirme que 6 000 chrétiens auraient été capturés par les corsaires salétins entre 1618 et 1626.
Face à l’intransigeance du Diwan, qui exigeait 100 canons et un million de livres pour libérer les captifs, De Razilly réagit en imposant un blocus maritime. Son escadron saisit et incendie sept navires corsaires après un mois et demi de siège.
De Razilly parvient à libérer un grand nombre de captifs français et espagnols, ainsi que certains Marocains, sans verser un seul centime.
Image d’illustration. / DR
Un blocus qui affaiblit la République des corsaires
Le blocus imposé par De Razilly au XVIIe siècle affaiblit considérablement la République de Bouregreg, menant à une guerre civile entre Salé et Rabat. Comme l’indique Joffe, ce conflit trouve son origine dans les pertes infligées par De Razilly, la pénurie alimentaire due au blocus et le refus du Diwan de négocier.
Ce blocus, qui dure plusieurs mois, étrangle économiquement les deux villes, fortement dépendantes de leurs activités maritimes. En fermant l’accès aux ports, De Razilly empêche les échanges commerciaux avec les Anglais et les Néerlandais, ainsi que l’approvisionnement en provenance d’Assilah.
Acculés par les conséquences économiques et sociales du blocus, le Diwan finit par lever le drapeau blanc et négocier une trêve avec les Français.
Le 2 octobre 1629, De Razilly et le Diwan de Salé signent une trêve de cinq mois. Les conditions incluent la libération de tous les captifs français, la levée du blocus, la fin des raids corsaires contre les Français et l’instauration de privilèges commerciaux réciproques.
À l’issue du blocus, les corsaires de Salé ne retrouveront jamais leur puissance d’antan. Leur flotte se réduit considérablement, tout comme le nombre de corsaires opérant pour le Diwan.