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Inquiétante banalisation de la parole et des violences racistes en France


La France traverse actuellement une période politique marquée par une puissante vague d’extrême droite. Cette évolution s’est cristallisée lors des récentes élections européennes, où le Rassemblement National (RN), dirigé par Jordan Bardella, a infligé une sévère défaite au camp du président Emmanuel Macron. Face à cette situation, Macron a pris la décision de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées. Les résultats du premier tour (30 juin) ont confirmé les tendances inquiétantes : le RN et ses alliés a recueilli environ 33,1% des voix, dépassant le Nouveau Front populaire (27,9%) et le mouvement présidentiel Ensemble (20,8%). L’attention se porte à présent sur le second tour des élections prévu dimanche prochain, le 7 juillet, alors que le barrage face au RN comporte encore de nombreuses fuites.

Magali Lafourcade, magistrate et secrétaire générale de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), rapporte dans le 34e rapport annuel de la CNCDH qu’«il y a vraiment une banalisation de l’expression de la haine, comme s’il y avait déjà eu une victoire idéologique de l’extrême droite », qui a su diffuser sa rhétorique au-delà de ses propres rangs pour influencer l’ensemble du débat public. 

Elle met également en avant une augmentation des agressions et des discours haineux en France, observant «des remontées d’informations» à propos d’une hausse de termes et de comportements discriminatoires dans certaines banlieues. Elle constate la normalisation des attaques homophobes, de violences contre les femmes émancipées, et une diffusion plus générale de préjugés. « La fragmentation de la société est déjà en marche», déclare-t-elle.

Historiquement, ce moment rappelle les années 1920 et 1930, où les défaillances des droites avaient ouvert la voie à l’ascension de l’extrême droite. Aujourd’hui, comme par le passé, les enjeux sociaux et économiques semblent primer sur les leçons de l’histoire, laissant le champ libre au RN. 

©Riva Press / Lionel Préau ©Riva Press / Lionel Préau

Une normalisation des actes racistes 

La montée de l’extrême droite s’accompagne d’une recrudescence d’actes de violence raciste un peu partout dans l’Hexagone. Plusieurs cas motivées par des préjugés ethniques dynamique dépeignent un climat de plus en plus hostile, anxiogène et intolérant envers les minorités.

Le 1er juillet, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a jugé deux hommes pour une agression raciste d’une violence extrême, relate Mediapart. Maxime B., 25 ans, et Adrien V., 23 ans, ont attaqué Mourad B., un homme de 37 ans, le 26 juin à Cessy (Ain). En état d’ébriété, les agresseurs ont frappé leur victime aux cris de «sale bougnoule», provoquant des blessures graves. L’avocat de la victime, Me Ilyacine Maallaoui, a tenté de faire requalifier les faits en tentative d’homicide, déclarant que son client devait sa survie aux cris d’une voisine ayant filmé la scène. Les agresseurs, jugés en comparution immédiate, ont été condamnés à quatre ans de prison, dont un an avec sursis, assorti de cinq ans d’inéligibilité, au lendemain du premier tour des législatives anticipées en France. Cette agression s’inscrit dans un contexte où le RN a recueilli 39,37% des voix lors du premier tour des législatives dans la troisième circonscription de l’Ain. 

D’autres incidents illustrent à leur tour cette montée des violences racistes. Un des cas marquants est celui d’un étudiant de 19 ans vivant à Marsillargues, agressé le 22 juin par quatre hommes qui l’ont battu et plongé la tête sous l’eau en le traitant de «sale arabe». Il précise également que les agresseurs hurlaient : «Tu n’as rien à faire ici», en référence à sa prétendue origine, en disant : «Tu viens de Djihad City», une insulte faisant écho à la ville de Lunel, connue pour avoir été un foyer de radicalisation. L’un des agresseurs a brandi un couteau pendant l’agression, et les autres en ont profité pour lui asséner des coups de poing. Ils ont également volé ses affaires personnelles, comprenant son portefeuille, ses papiers d’identité, sa carte bancaire, son téléphone portable, ainsi que 30 euros en espèces. 

Traumatisé, le jeune homme ne souhaite plus sortir de chez lui. Sa tante témoigne auprès du quotidien Midi Libre affirmant qu’«habituellement, c’est un garçon joyeux. Ce n’est pas un garçon à problèmes. Il fait du sport, ne boit pas, ne fume pas, ne traîne pas avec de mauvaises personnes. Mais là, il est terrorisé, c’est la première fois que je le vois comme ça». La brutalité de l’agression et la nature des insultes témoignent d’une intensification des comportements xénophobes.

©Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP / DR©Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP / DR

Sentiment de toute puissance raciste

De leur côté, les journalistes sont également pris pour cible. En effet, Karim Rissouli, journaliste d’origine marocaine, a reçu une lettre anonyme quelques jours avant le premier tour des élections européennes, contenant des propos haineux et justifiant le vote en faveur du RN. Parallèlement, Mohamed Bouhafsi, Franco-algérien, également journaliste de France 5, a révélé le 25 juin des messages racistes reçus via les réseaux sociaux. Ces insultes, directement dirigées contre ses origines, incluaient des propos tels que «Les maghrébins et africains ne vont jamais s’intégrer chez nous», ainsi que des termes offensants : «sale arabe» et «sale racaille». D’autres messages haineux reçus d’internautes affirmaient : «Vous pleurez le racisme tout le temps alors rentrez chez vous» et «On n’en veut plus des têtes d’arabe comme toi», illustrant une hostilité croissante envers les personnes d’origine maghrébine.

Au-delà de ces agressions contre les journalistes, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale et personnalité publique d’origine Franco-marocaine, a également été la cible d’attaques racistes de la part du député sortant du RN, Roger Chudeau. Ce dernier a publiquement qualifié la nomination de Vallaud-Belkacem d’«erreur, et pas une bonne chose pour la République», en ajoutant sur BFMTV : «Najat Vallaud-Belkacem, Franco-marocaine, qu’a-t-elle fait ? Elle a détruit le collège public et surtout elle a voulu instituer au CP des cours d’arabe».

Loin d’être des critiques politiques ordinaires, cette libération de la parole raciste est accompagnée par une violence décomplexée visant les étrangers et les minorités. Un sentiment de toute puissance de citoyens français qui estiment que les succès électoraux de l’extrême droite légitiment les rapports de domination fantasmés.





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