La semaine dernière, deux pays arabes, le Koweït et l’Irak, fêtaient une date particulière. En effet, du 2 au 4 août, le deuxième, sous la direction de Saddam Hussein, lancera une opération militaire pour occuper le premier. Le Koweït restera sous le contrôle de l’armée irakienne pendant sept mois, avant que l’opération militaire Tempête du désert, menée par une coalition internationale, à laquelle le Maroc prend part, oblige Bagdad à retirer son armée.
Nous sommes en 1990. Saddam Hussein vient d’accuser officiellement le Koweït de «voler du pétrole irakien par forage oblique», près des frontières entre les deux pays. Mais des observateurs internationaux expliquent cette menace par deux facteurs : d’abord l’incapacité de Bagdad de régler sa dette auprès du Koweït, contractée pour financer la guerre de l’Irak contre l’Iran et l’augmentation de la production de pétrole koweïtien, impactant les exportations de son voisin.
Une guerre qu’avait prédit Hassan II
Les accusations de l’Irak sont les prémices d’une guerre sur le point de se déclencher. D’ailleurs, le roi Hassan II l’affirme, dans l’un de ses discours cette année-là. «La guerre entre les Arabes approche. Nous entendons même ses tambours approchés», a-t-il déclaré. Ce qui va finalement se produire.
Saddam Hussein et son armée avant l’invasion du Koweït. / Ph. DR
Mais avant le 2 août, date à laquelle Saddam Hussein ordonne officiellement à son armée de franchir les frontières avec le Koweït, les frères arabes et à leur tête le Maroc, l’Algérie et la Jordanie, tentent des médiations. Le roi Hussein de Jordanie adresse en son nom, celui du roi Hassan II et celui du président algérien Chadli Bendjedid une lettre, citée par l’ancien ministre jordanien de l’Information Saleh Kallab. Ils l’exhortent à ne pas recourir à l’option armée et à engager un dialogue avec le Koweït.
Le légendaire président irakien choisit alors de «ne pas répondre au contenu de la lettre», poursuit l’ancien ministre jordanien, qui note que cette réaction aurait été «prévisible», même par les trois dirigeants arabes, fins connaisseurs du caractère du président irakien. Celui-ci finira par exécuter ses menaces.
Au deuxième jour du mois d’août 1990, à 2h00 du matin, la Garde républicaine irakienne et les forces spéciales de l’armée franchissent les frontières. Quelques heures de combats leur suffisent à envahir le pays et arriver jusqu’à sa capitale. L’émir Jaber al-Ahmad al-Sabah parvenant à échapper à temps, l’armée irakienne assassine son demi-frère, le cheikh Fahad Al-Ahmed Al-Jaber Al-Sabah. Deux jours plus tard, les dernières poches de résistance tombent, le reste de l’armée koweïtienne parvient toutefois à suivre l’émir koweïtien vers l’Arabie saoudite.
L’invasion irrite, dès son annonce, la communauté internationale, donc le Maroc. Une grève est organisée pour dénoncer l’occupation du Koweït dès les premiers jours de l’invasion, rapporte-t-on dans l’encyclopédie Moqatel, soutenue par le gouvernement marocain.
Saddam Hussein et le roi Hassan II. / Ph. G.I.
Des éléments des FAR déployés en Arabie saoudite
Le 12 octobre 1990, la guerre du Golfe occupe la majorité du discours du roi Hassan II à l’ouverture de la session d’automne du Parlement. «Lorsque le Koweït a été occupé par l’Irak, notre position a été claire», déclare-t-il.
«Le Maroc comprend les problèmes de l’Irak et ses revendications. Mais le Maroc a toujours considéré que les atteintes à la souveraineté et l’usage de la force ne seront jamais les bases d’une solution politique.»
Le roi Hassan II
Il souligne également avoir envoyé un «émissaire» à Saddam Hussein, affirmant que «l’amitié» et le «respect mutuel» qui les lient restent intacts.
Suite à la condamnation de la communauté internationale, une série de négociations est lancée entre les grandes puissances mondiales et l’Irak pour convaincre ce dernier de la nécessité de son retrait. Après l’échec de ces démarches, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Irak, mi-janvier 1991. Mais avant ce passage à l’action, une coalition internationale voit le jour, avec la participation du Maroc.
Le royaume déploie ainsi des éléments de ses forces armées dans les zones frontalières entre le Koweït et l’Arabie saoudite. Certains éléments auraient même participé à l’opération terrestre avec l’armée saoudienne, dès le début de la guerre.
Le 16 janvier, à la fin de l’ultimatum imposé par les Etats-Unis, des avions de la Coalition ciblent plusieurs sites militaires irakiens. Washington déclare alors que l’armée de l’air irakienne a été décimée après cette intervention. Et les hostilités se poursuivent.
Les commandos des forces spéciales françaises capturent les soldats irakiens quelque part dans le désert irakien le 26 février 1991. / Ph. Mike Nelson – AFP
Et Saddam finira par se retirer du Koweït
Quatre jours plus tard, un appel téléphonique aura lieu entre Hassan II et le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. «Ils discuteront des moyens pour trouver une issue de la crise et arrêter la guerre», rapporte l’encyclopédie Moqatel. Le souverain va aussi réitérer son appel le 1er février, lors d’une sortie médiatique, appelant Saddam Hussein à répondre favorablement aux demandes américaines.
Le 4 février, à l’issue d’un déplacement du vice-premier ministre irakien au Maroc, Rabat affirme que la présence de 13 000 éléments de son armée dans le golfe, notamment en Arabie saoudite, sert à «protéger d’autres nations de la région».
Le 25 février 1991, le président irakien ordonne enfin le retrait de ses forces du Koweït. Avant cette annonce, un missile Scud irakien aurait, selon la plateforme indienne Sify News, frappé une caserne de la marine américaine près de la ville saoudienne de Dhahran, faisant 28 morts et plusieurs blessés.
Le roi Mohammed VI, alors prince héritier, Saddam Hussein et le roi Hassan II. / Ph. G.I.
Après la fin de la guerre, le Maroc restera saisi de cette question. Le 3 mars 1991, à l’occasion de la Fête du Trône, le roi Hassan II l’évoquera dans son discours. «La crise d’aujourd’hui a touché l’essence et les fondements et a jeté une ombre sur le futur», a-t-il affirmé, confirmant l’échange d’émissaires entre le Maroc et l’Irak lors de cette période pour «sauver ce qui peut être sauvé avant que ce soit trop tard».
Dès 1992, Hassan II entamera une tournée arabe dans la région, pour notamment «briser la barrière du pessimisme, de résoudre les différends et d’envisager l’avenir avec optimisme», comme l’avait déclaré à l’époque le chef de la diplomatie marocaine Abdellatif Filali.