Sur des routes désertes, tous les hommes s’aventurant à voyager seuls dans la nuit la connaissent, l’évitent et ne s’arrêtent jamais s’ils la trouvent au milieu de nulle part. Personne ne sait réellement pourquoi elle s’en prend aux hommes seuls, par vengeance ou par tempérament. Mais beaucoup jurent qu’elle existe. Les plus chanceux ont pu raconter son histoire, décrivant sa beauté saisissante, sa robe blanche fluide et ses pieds d’animaux.
Les malheureux n’ont jamais vécu assez longtemps pour révéler comment elle achève ses victimes. Aicha Kandicha apparaît quand on s’y attend le moins. Ce djinn ou cet esprit maléfique n’a qu’une seule chose en tête : les hommes. Si vous la voyez, sauvez-vous sans vous retournez.
Kandicha n’est peut-être pas aux trousses des femmes, mais cela ne veut pas dire que celles-ci seraient plus en sécurité. Pour ceux qui se posent la question, Aicha Kandicha est mariée. Son conjoint, Hammou Quaiou, est un monstre nocturne qui en veut aux femmes.
La légende raconte que Hammou Quaiou s’en prend aux voyageuses solitaires quand il fait noir. Selon la légende, il traque les femmes qui errent dans les rues et, le moment venu, il les dévore.
Un djinn qui hante les rivières
Certains disent qu’il s’agit d’une créature aquatique, tout comme sa femme bien-aimée, qui hante les sources et les rivières désertes. Des ethnographes rapportent que selon la légende marocaine, Hammou, le compagnon de Kandicha, habite une grotte à Ait Issafen, dans la province de Tiznit. Ce lieu est situé près d’une source, censée guérir les malades.
D’autres affirment qu’il vit avec sa femme le long du fleuve Sebou, dans la région du Gharb, plus au nord. Les tribus riveraines veillent à ne pas déranger le couple avant de se baigner en plein été.
Le philosophe et sociologue finlandais Edvard Alexander Westermarck, qui a voyagé au Maroc au début du XXe siècle pour documenter le folklore local, a noté que les gens offraient une paille brûlante avec du couscous à Aicha Kandisha et Hammou Quaiou, avant de plonger dans la rivière.
Dans son livre Ritual and Belief in Morocco (1926), Westermarck décrit Hammou Quaiou comme «un individu de très grande taille» qui vit avec sa femme dans la rivière. «J’ai aussi entendu parler de lui [Hammou] dans d’autres tribus du nord du Maroc, près de Meknès», ajoute-t-il. «Un homme m’a dit l’avoir vu une fois dans une rivière, mais on parle beaucoup moins de lui que de sa conjointe».
Les aïeux racontent : «Que vous ayez entendu parler de lui ou non, voici un conseil : Hammou aurait peur des couteaux. Si jamais vous le rencontrez, aiguisez une lame au sol : c’est peut-être votre seule chance d’éviter de devenir sa prochaine victime.»