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Gigafactories: La guerre technologique des batteries est lancée

Gigafactories: La guerre technologique des batteries est lancée

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Concrètement, cela pourrait se traduire par des flottes de camions électriques assurant des livraisons discrètes et par des foyers rechargeant leurs véhicules la nuit grâce à l’énergie solaire ou éolienne

Dans une gigafactory de Shenzhen, les cellules lithium-ion s’alignent à un rythme mécanique, donnant corps à la transition énergétique mondiale. Longtemps cantonnées à des usages domestiques, ces batteries sont désormais au cœur des véhicules électriques et du stockage de l’énergie solaire. Elles assurent la jonction entre des sources renouvelables intermittentes et les besoins permanents des sociétés modernes. La baisse continue des coûts et la multiplication des innovations renforcent leur place stratégique. Devenues un levier industriel majeur, elles redéfinissent l’économie de l’énergie et influencent la géopolitique autant que le quotidien.

Selon une analyse approfondie du McKinsey Global Institute, les batteries s’imposent comme le moteur essentiel de la transition énergétique, redéfinissant la consommation mondiale d’énergie. Leur rôle, longtemps périphérique, s’est imposé en quelques décennies, porté par une accélération spectaculaire au cours des trente dernières années. Le coût du kilowattheure, qui dépassait les milliers de dollars au début des années 2000, est désormais tombé sous la barre des 100 dollars, tandis que la densité énergétique a presque triplé. Cette évolution résulte d’innovations continues, allant de l’enrichissement des anodes au silicium aux recherches sur les batteries à état solide, en passant par les chimies alternatives comme le lithium-soufre ou le vanadium redox. Les effets concrets sont tangibles : des batteries plus rapides à recharger, plus durables et moins polluantes, grâce notamment à l’usage d’électricité renouvelable dans leur production ou à l’intégration de matières premières certifiées durables. De l’extraction du lithium et du nickel à l’assemblage de packs dans les gigafactories, cette filière alimente aujourd’hui une chaîne de valeur mondiale qui soutient l’électrification des transports et l’intégration des énergies renouvelables.

Le marché mondial des batteries connaît une expansion fulgurante, avec une capacité attendue entre 12.800 et 13.700 gigawattheures en 2040, contre 760 en 2022, soit une croissance annuelle proche de 20%. Les revenus pourraient s’élever de 98 milliards de dollars aujourd’hui à plus d’un trillion, même si la rentabilité reste fragilisée par la surcapacité et le poids des investissements nécessaires aux gigafactories. Malgré ces contraintes, les investisseurs ont engagé 42 milliards de dollars en une décennie, dont une part massive en 2020 et 2021, témoignant de leur conviction que les batteries constituent l’épine dorsale de la transition énergétique. Cette dynamique repose sur deux moteurs majeurs : l’électrification d’un parc mondial d’un milliard de voitures et le déploiement de solutions de stockage adaptées aux énergies renouvelables. Dans le quotidien, elle se traduit par des véhicules électriques plus accessibles, une meilleure qualité de l’air urbain et des systèmes domestiques capables de stocker l’énergie solaire pour la restituer en soirée.

Véhicules électriques, les plus énergivores

Les véhicules électriques représentent la part du lion de cette expansion, devant capter 84 à 88% du marché des batteries d’ici 2040. La capacité de production pour les batteries de véhicules électriques pourrait passer de 650 gigawattheures en 2022 à entre 11.000 et 12.000 gigawattheures d’ici 2040, avec des revenus grimpant de 85 milliards de dollars à entre 700 et 950 milliards. Cette croissance reflète la trajectoire d’électrification: en 2023, les véhicules électriques représentaient 18% des ventes mondiales de voitures particulières neuves, atteignant plus de 30% en Chine, 16% dans l’Union européenne et 8% aux États-Unis. D’ici 2040, les scénarios suggèrent que les véhicules électriques pourraient dominer 82 à 96% des ventes de voitures particulières, tandis que les véhicules commerciaux, comme les camions légers, passeront à 30 à 80% de véhicules électriques à batterie ou à pile à combustible dans les régions à faible pénétration, et jusqu’à 85 à 100% dans celles à forte pénétration, principalement à batterie. L’essor des véhicules électriques dépendra d’un faisceau de conditions, allant de la parité des coûts avec les modèles thermiques aux incitations politiques, en passant par l’infrastructure de recharge et l’approvisionnement en électricité. Des signaux récents, comme le report des objectifs d’électrification par certains constructeurs et la révision à la baisse des ventes attendues pour 2024, rappellent que le chemin n’est pas linéaire. À long terme toutefois, le potentiel reste considérable et continue de mobiliser les acteurs industriels et politiques.

Les bénéfices attendus sont multiples : routes plus silencieuses, économies de carburant pour les conducteurs et réduction de la dépendance au pétrole importé. Les systèmes de stockage d’énergie par batterie, ou BESS, émergent comme le segment à la croissance la plus rapide, pouvant représenter 11 à 14% de la demande d’ici 2040, avec une croissance annuelle de 22% en capacité, passant de 50 gigawattheures en 2022 à entre 1.600 et 1.800 gigawattheures. Les revenus pourraient grimper de 7 milliards de dollars à entre 100 et 140 milliards.

Le stockage, pilier de la transition énergétique

Divisé entre les installations en amont du compteur (utilitaires, environ 65%) et en aval (35%), le BESS (système de stockage d’énergie par batterie) répond à la variabilité des énergies renouvelables, qui sont passées de 7% de la production mondiale d’électricité en 2018 à 13% en 2023, pouvant atteindre 25% d’ici 2028.

Les BESS à l’échelle des réseaux équilibrent les fluctuations intrajournalières du solaire et de l’éolien, fournissent une régulation de fréquence et pourraient concurrencer les solutions de stockage longue durée face à des alternatives comme le stockage thermique ou l’air comprimé si les prix continuent de baisser.

Les systèmes en aval, installés dans les foyers ou les entreprises, stockent l’excédent de production solaire, arbitrent les prix en achetant bas et vendant haut, et favorisent l’autosuffisance dans les maisons intelligentes. Cela stabilise les réseaux tout en transformant la vie quotidienne en permettant une alimentation résiliente lors des pannes, en réduisant les coûts énergétiques pour les industries et en donnant aux consommateurs les moyens d’optimiser leur consommation – imaginez un propriétaire dans une banlieue ensoleillée utilisant l’énergie solaire stockée le jour pour éclairer sa maison le soir sans faire grimper sa facture.

L’électronique grand public plus modeste

L’électronique grand public, bien que plus modeste avec 1 à 2% de la demande en 2040, croît régulièrement, passant de 50 gigawattheures en 2022 à environ 170, avec des revenus de 6 milliards à 14 milliards de dollars. Ce segment alimente smartphones, ordinateurs portables, écouteurs et plus encore, stimulé par une classe moyenne en expansion dans des pays comme le Brésil, l’Égypte, l’Inde et l’Indonésie, même si le marché mûrit avec un virage vers les appareils reconditionnés. Dans tous les segments, la croissance repose sur des innovations comme une augmentation annuelle de 2 à 3% de la densité énergétique, des usines passant de 16 gigawattheures en 2023 à 28 d’ici 2030 pour une meilleure efficacité, et des coûts de cellules tombant de 80 à 130 dollars par kWh à 50 à 75 dollars d’ici 2040, potentiellement moins avec des percées comme les batteries à état solide. Les chimies évoluant des coûteux nickel et cobalt vers le fer et le phosphate réduisent encore les coûts, tandis que la surcapacité et les baisses de prix des matières premières ajoutent de la pression.

En quête de résilience des chaînes d’approvisionnement

Sur le plan économique, la capacité mondiale pourrait atteindre près de 13.700 gigawattheures en 2040, contre 760 en 2022, soit une croissance annuelle proche de 20%. Les revenus associés devraient dépasser le trillion de dollars, même si la surcapacité et le poids des investissements dans les gigafactories pèsent sur la rentabilité.

Les investisseurs, pourtant, continuent de parier massivement, convaincus que les batteries sont au cœur de la décarbonation. La demande se concentre sur deux moteurs principaux : l’électrification d’un milliard de voitures et le stockage stationnaire pour accompagner les énergies renouvelables. Sur le plan géopolitique, la volonté des États de privilégier la production locale, via subventions ou barrières douanières, pourrait éroder la domination asiatique et renforcer l’Europe comme l’Amérique du Nord.

L’économie circulaire – réparation, réutilisation et recyclage – apparaît comme une réponse aux tensions sur les minéraux critiques. De nouveaux entrants misant sur des technologies spécialisées, comme les batteries semi-solides ou longue durée, pourraient redessiner la hiérarchie industrielle.

Les segments du marché des batteries

Les véhicules électriques domineront avec 84 à 88 % du marché d’ici 2040, incluant voitures particulières, véhicules commerciaux, deux et trois-roues, et usages hors route, ferroviaires, maritimes et aériens. Les systèmes de stockage d’énergie par batterie représenteront 11 à 14 %, couvrant les installations utilitaires et résidentielles/commerciales. L’électronique grand public, comme smartphones et ordinateurs portables, ne pèsera que 1 à 2 %, avec des acteurs comme Samsung et LG en tête.

La place du Maroc

Le Maroc se positionne comme leader africain dans le secteur des batteries pour véhicules électriques (VE). Gotion High Tech prévoit une gigafactory à Bouknadel de 100 GWh, capable d’équiper un million de véhicules par an, soutenue par Volkswagen et ABB, dans le cadre d’une stratégie nationale visant trois pôles industriels à Tanger Tech, Jorf Lasfar et Bouknadel. Le Royaume attire de grands industriels asiatiques et japonais (LG, Panasonic, CNRG, BTR) et bénéficie de ressources naturelles abondantes (phosphate, fluorine, cobalt, cuivre, manganèse) ainsi que d’accords commerciaux internationaux favorables (UE, États-Unis, Afrique).

À Jorf Lasfar, la gigafactory COBCO, fruit de l’alliance entre Al Mada et CNGR Advanced Materials, a été inaugurée le 25 juin sur 238 hectares, avec un investissement de 20 milliards de dirhams. Première gigafactory hors Asie dans son domaine et dans le Top 4 mondial, elle produira 120 000 tonnes de précurseurs NMC et développera 60 000 tonnes/an de cathodes LFP, intégrant raffinage et recyclage des matériaux critiques, pour une capacité de 70 GWh/an, soit un million de véhicules.

Ce projet crée 1 800 emplois directs et autant d’indirects, avec des programmes de formation et partenariats académiques pour renforcer les compétences locales. COBCO illustre la montée en puissance du Maroc dans l’économie verte mondiale, transformant le pays d’exportateur de matières premières à acteur technologique capable de maîtriser toute la chaîne de valeur des batteries, de la production au recyclage, et de contribuer activement à la transition énergétique globale.


Évolution technologique et économique

La densité énergétique des batteries lithium-ion a triplé en 30 ans, tandis que les coûts ont chuté de milliers à moins de 100 dollars par kWh. D’ici 2035, des projections montrent une densité atteignant 550-600 Wh/kg et des coûts à 25-50 dollars/kWh, grâce à des innovations comme les anodes au silicium et les batteries à état solide, favorisant une production plus efficace dans des usines de 28 GWh en moyenne d’ici 2030.

Radia LAHLOU

 

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