À l’occasion de la 1266e réunion ministérielle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS UA), présidée par le Maroc pour le mois de mars, les discussions ont porté sur «L’intelligence artificielle et son impact sur la paix, la sécurité et la gouvernance en Afrique». Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc, a appelé à «une mobilisation et à une action collective» pour que cette technologie devienne un outil de développement et de sécurité pour le continent, plutôt qu’une source d’instabilité et de désinformation.
Le ministre a plaidé pour un «leadership africain uni» face à cette problématique prioritaire, soulignant que l’IA peut être une arme à double tranchant, susceptible d’être utilisée par des acteurs non étatiques malveillants. Lors de sa déclaration à la presse, il a mis en garde contre les risques liés à l’IA.
En termes de chiffres, Nasser Bourita a révélé que depuis 2019, les vidéos truquées par l’IA ont augmenté de 900 % à l’échelle mondiale. Les cyberattaques utilisant l’IA ont également grimpé de 300 % entre 2019 et 2022. Par ailleurs, 40 % des groupes terroristes mondiaux ont déjà utilisé l’IA dans leurs attaques, notamment via des drones autonomes.
En 2023, 47 pays ont été affectés par des campagnes de désinformation, impactant directement leurs processus démocratiques, notamment durant les élections. Le défi reste donc immense, car l’IA peut aussi être un «vecteur de croissance économique», a affirmé le ministre.
Ph. MAP
Faire de l’IA un levier pour le développement
Nasser Bourita a souligné que l’intelligence artificielle pourrait améliorer de 10 à 20 % la production agricole. D’ici 2030, l’IA devrait injecter «15 700 milliards de dollars dans l’économie mondiale» et «accélérer le taux de croissance de certains pays de 40 %», a-t-il ajouté.
En Afrique, l’enjeu est de «surmonter les lacunes structurelles pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA». Actuellement, 60 % de la population du continent n’a pas accès à Internet, et moins de 2 % des données utilisées par l’IA sont localisées en Afrique. De plus, seulement 1 % des talents mondiaux en IA se trouvent sur le continent.
Dans ce contexte, Nasser Bourita a rappelé que le Maroc a proposé des «mesures concrètes», notamment à travers la stratégie Maroc Digital 2030, qui vise à former 100 000 talents par an. Parmi les initiatives, figurent la création d’un «Fonds africain pour l’IA», une «stratégie panafricaine» de collecte de données, et un programme de formation pour structurer «une élite africaine» en IA, afin de positionner le continent comme un acteur clé dans la gouvernance mondiale de l’IA.
Rabat recommande également l’institutionnalisation d’un réseau africain de centres nationaux de l’IA, avec des experts africains «pour accompagner la mise en œuvre de la stratégie continentale». Le Maroc a joué un rôle majeur dans l’adoption des premières résolutions de l’ONU sur l’IA et a contribué à la création du Groupe des amis de l’IA pour le développement durable, qui regroupe plus de 70 pays.