«Dieu a fait descendre du ciel une eau par laquelle Il fait revivre la terre après sa mort.» C’est par ce verset du Saint Coran que le roi Mohammed VI a terminé son discours à l’occasion du 25ème anniversaire de l’accession au Trône. Un quart de siècle et pourtant la problématique de l’eau est toujours aussi prégnante dans ce royaume où le stress hydrique est devenu structurel. Il y a cent ans déjà, Theodore Steeg assénait cette phrase devenue culte : «Au Maroc, gouverner, c’est pleuvoir.» Face aux années de sécheresse successives, le Marocain ne peut plus se résigner à attendre la pluie, et au gouvernement la charge de trouver des alternatives.
Le souverain a mis au centre de son discours, «la problématique de l’eau, qui ne cesse de se complexifier du fait de la sécheresse, de l’impact du changement climatique et de la croissance naturelle de la demande». Malgré les grands chantiers, comme celui de l’autoroute de l’eau dont les études ont été réalisées il y a environ 10 ans, le Roi a pointé le «retard accusé dans la réalisation de certains projets programmés dans le cadre de la politique de l’eau». L’enjeu est vital pour le peuple marocain et notamment la population rurale qui représente pas moins de 35% de la population totale.
«Vu l’accroissement des besoins et des contraintes, Nous insistons sur l’impératif d’une mise à jour continue des leviers de la politique nationale de l’eau et sur la définition d’un objectif stratégique, quelles que soient les circonstances: garantir l’eau potable à tous les citoyens et couvrir 80% au moins des besoins d’irrigation sur tout le territoire national.»
Roi Mohammed VI
Une artère pour irriguer le centre du Maroc
L’autoroute de l’eau, projet pharaonique qui devrait mobiliser un total de 36 milliards de dirhams (environ 3,3 milliards €) d’investissements, doit permette le transfert de plus de 860 millions de m3 des bassins excédentaires du nord vers ceux du centre du pays, sur plus de 500 kilomètres.
Pour mener à bien ce projet dont la première phase a permis de déverser de l’eau dans le bassin du Bouregreg en 2023, il faut également multiplier les barrages dans le Nord. «A cet égard, il est indispensable de parachever le programme de construction des barrages, en donnant la priorité aux projets programmés dans les régions connaissant d’importantes précipitations», a ainsi souligner le souverain. Car mettre à profit le milliard de m3 d’eau excédentaire qui se jette dans la mer, en connectant «le bassin de Oued Laou-Larache et Loukous et celui de Oued Oum Er-Rbia, en passant par les bassins Oued Sebou et Bouregreg», doit se faire sans léser les populations du Nord.
Cap sur le dessalement
Malgré cette mobilisation inédite de l’eau douce au Maroc, cela ne suffira pas. L’eau salée est également mobilisée pour l’eau potable ou les besoins d’irrigation, soit un objectif de plus de 1,7 milliard de mètres cubes par an. «À l’horizon 2030, le Maroc pourra ainsi couvrir plus de la moitié de ses besoins en eau potable à partir de ces stations», a déclaré le roi Mohammed VI. Il a ainsi cité le projet de «station de dessalement de Casablanca, le plus grand projet du genre en Afrique et la deuxième installation au monde qui sera alimentée à 100% en énergie propre».
Et le principal défi tient à la réalisation dans les délais, de ces projets d’énergies renouvelables. En plus de l’autoroute de l’eau, le Maroc doit déployer une autoroute électrique pour interconnecter la production des provinces du Sud vers le Centre et le Nord. Face aux retards et dysfonctionnements constatés par exemple sur certaines centrales Noor, le Roi avertit :
«Nous tenons à souligner de nouveau qu’aucune négligence, aucun retard, aucune mauvaise gestion ne sont tolérés dans une question aussi cruciale que l’eau.»
Roi Mohammed VI
Un appel à la conscience citoyenne
Si la mobilisation des ressources en eau est en chantier, le roi Mohammed VI appelle à une mobilisation des consciences des citoyens marocains. «Il est, en effet, totalement insensé de dépenser des dizaines de milliards pour la mobilisation des ressources hydriques alors que des formes de gaspillage et de mésusage de l’eau persistent.» Les autorités compétentes sont appelées «à plus de fermeté dans la protection du domaine public hydraulique, à l’opérationnalisation de la police de l’eau, à la lutte contre le phénomène d’exploitation abusive et de pompage anarchique des eaux».
Cette ambition du Maroc de limiter le stress hydrique et d’atténuer les conséquences du changement climatique, n’est pas un voeux pieux. D’autres pays ont pu le faire avec un certain succès, et le défi de l’eau dans les provinces sahariennes peut servir de pont avancé pour les autres régions du royaume. Face au succès de la station de dessalement de Dakhla, un projet d’extension a été décidé, et «le relèvement futur de la capacité de production des autres stations» est en marche. Une belle manière de signifier l’intrication entre souveraineté hydrique, souveraineté alimentaire et souveraineté territoriale.