« Le fonctionnaire était très arrogant. D’entrée de jeu, il me dit qu’il ne prendra pas mon dossier », explique à Louane* StreetPress. En 2019, cette étudiante en psychologie s’était rendue à la mairie du 15ᵉ arrondissement de Paris avec son dossier de mariage. Elle avait rencontré Abdel* lors de ses vacances au Maroc. Après quatre ans de relation et la difficulté pour son petit ami d’obtenir un visa pour la France, ils ont décidé, durant l’été 2018, d’entamer officiellement leur vie commune à Paris. Un parcours de combattant pour Louane. L’arrogance du fonctionnaire n’entame pas pour autant le moral de la jeune femme. Celle-ci lui montre le texte de loi qui l’autorise à déposer la demande de mariage en l’absence du futur époux. L’employé administratif finit par céder. Il aurait toutefois donné son avis sur les unions mixtes. « Les couples comme vous je les connais : ça ne marchera pas et dans trois ans vous serez divorcés », commente le fonctionnaire.
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Abdel, lui, est convoqué pour une audition au consulat de France à Tanger, au Maroc. Louane serait reçue par Jean-Manuel Hue, l’élu du 15ᵉ connu pour sa lutte contre « les mariages blancs et gris ». « Il m’explique que son objectif n’est pas de voir si nous nous aimons, mais de voir si mon conjoint est en capacité de s’intégrer en France. » La jeune femme « aurait parlé de la promesse d’emploi faite à Abdel, avant que le mariage ne soit accepté. » Ce que regrette la future mariée : « J’ai eu le sentiment que cette audition était un filtre de migration, un moyen d’identifier si mon mari répondait à leurs conditions “du bon étranger” ». Joint au téléphone, l’adjoint au maire assure n’avoir jamais tenu ces propos. Jean-Manuel Hue estime à 1 200 le nombre d’auditions menées durant sa carrière d’élu municipal.
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« J’ai découvert une administration française ultra-raciste », s’étonne Louane. La Parisienne est persuadée que quelqu’un de moins informée « n’aurait jamais pu déposer sa demande de mariage ». Oumar* et Julia* à Mulhouse (68), en Alsace en sont la parfaite illustration. « On nous avait mis en garde, mais je n’étais pas inquiète », raconte la mariée, déçue par sa naïveté. En février 2022, les fonctionnaires de mairie saisissent le parquet sur la base de préjugés. « Le fait d’épouser une femme d’un second lit avec quatre enfants issus d’une union libre avec un homme d’origine algérienne constitue une pratique socialement réprouvée », peut-on lire dans l’acte d’opposition. « Il nous reprochait d’avoir cinq ans d’écart. Mais c’est une manière d’attaquer les sans-papiers », soupire Oumar.
*Prénoms modifiés