El Ouali Mustapha Sayed a été le premier dirigeant du Front Polisario et l’un de ses fondateurs les plus éminents. Il a été tué le 9 juin 1976, pendant une attaque qu’il menait contre la capitale mauritanienne Nouakchott avec plusieurs de ses combattants. Bien que certaines sources indiquent qu’il est mort lors d’une riposte de l’armée mauritanienne, d’autres récits suggèrent qu’il aurait été ciblé par les forces aériennes françaises.
Certaines version laissant même entendre une possible implication algérienne, d’autant que l’homme était fermement engagé pour l’indépendance des décisions du Front. À ce jour, sa tombe reste inconnue.
El Ouali Mustapha Sayed donné pour mort, sa dépouille reste introuvable
Dans un document daté du 11 juin 1976 et déclassifié le 22 décembre 2016, la CIA a abordé la mort du leader du Polisario. Selon la note, le ministre d’État mauritanien Mohamed Salah a affirmé que la veille, l’Algérie avait «organisé et formé des groupes armés pour lancer des attaques contre la Mauritanie, ajoutant que l’Algérie mène une guerre contre son pays».
Lors d’une conférence de presse tenue à Nouakchott après l’attaque du Polisario, il a ajouté que «le colonialisme ne reviendra pas par des tentatives de pression sur un pays plus faible». Par la même occasion, il a accusé l’Algérie d’«impérialisme». «Mustafa Sayed, le meneur de l’attaque, a été tué. La majeure partie la force attaquante a été soit tuée, soit capturée», a-t-il affirmé, tout en faisant état de deux morts et de 14 blessés sur côté mauritanien.
Et d’ajouter que le Polisario a utilisé des mortiers et des mitrailleuses dans l’attaque sur Nouakchott. Les commandos se sont divisés en petits groupes pour éviter d’être repérés par voie aérienne. Par ailleurs, le responsable a confirmé que l’objectif de cette opération était de créer le chaos dans le pays et de faire pression sur le gouvernement mauritanien pour qu’il capitule, remplaçant peut-être ses dirigeants par d’autres plus réceptifs aux idées algériennes.
«Le peuple mauritanien a réagi courageusement. Les obus de l’ennemi ont eu moins d’impact sur le moral de la population que des feux d’artifice», a-t-il affirmé. Dans le même sens, il a souligné que les armes utilisées comprenaient des obus de fabrication soviétique et des fusils sans recul de 110 mm.
Le même jour, la radio mauritanienne a annoncé que «la colonne principale» du Front Polisario, qui avait lancé une attaque sur Nouakchott mardi, «avait été éliminée».
Selon l’éditorial de la radio, tel que rapporté par la CIA, «cette défaite honteuse, à ses débuts, signifie que les plans du régime algérien ont échoué une fois de plus». Avec la chute de cette colonne, «dont l’objectif était d’occuper la capitale», les «visions expansionnistes algériennes» tombent également, ajoute-t-on.
L’éditorial a conclu que le régime algérien était face à deux options : «reconnaître la défaite et prendre ses responsabilités devant le peuple, ou se préparer à une nouvelle aventure qui connaîtra le même sort.»
La Mauritanie était-elle vraiment derrière la mort d’El Ouali Mustapha Sayed ?
Malgré les déclarations du ministre mauritanien concernant la mort d’El Ouali Mustapha Sayed, le gouvernement mauritanien n’a fourni ni photos, ni de preuves sur sa capacité à tuer le leader du Polisario. A ce jour, cette omission a ouvert la voie à toutes les interprétations.
Mustafa Sayed n’était pas en accord total avec l’Algérie. En août 1974, il a été élu secrétaire général du Polisario, ce à quoi l’Algérie a réagi en essayant de le destituer. Refusant cette option, la milice du Front a faisait pression pour le retour du leader à son poste, selon de précédentes déclarations recueillies par Yabiladi auprès de Bachir Dkhil, l’un des leaders éminents de la branche armée du Polisario à l’époque.
L’attaque sur Nouakchott est intervenue pendant la captivité punitive de Bachir Dkhil en Algérie, pour opposition à la destitution de Mustapha Sayed. L’ancien compagnon de route du leader du Polisario estime que l’homme serait «tombé en martyre sur le sol algérien». Pour lui, cette élimination constitue la deuxième partie du plan de l’Algérie pour avoir la mainmise sur le Front.
Bachir Dkhil a attribué la mort du leader du Front, sur sa route pour attaquer la capitale mauritanienne Nouakchott, au «retrait des forces censées le soutenir mais qui l’ont laissé seul». «Était-ce une coïncidence ou une conspiration ? Je connais les noms de tous ceux qui étaient responsables des forces de soutien (…) il y a eu trahison», affirme-t-il.
Daté du 3 avril 1976 et déclassifié le 15 décembre 2016, un autre document de la CIA indique que des éléments de l’armée algérienne accompagnaient les combattants du Polisario dans leurs opérations. «Une augmentation significative des opérations de guérilla ne pourrait se produire que dans le cadre d’un mouvement algérien pour multiplier les enjeux dans son conflit avec le Maroc sur le Sahara», indique la note, ce qui renforce l’hypothèse d’une implication algérienne dans les faits.
De son côté, Bachir Dkhil a confirmé que les actions du Polisario relevaient d’une «exploitation politique» de Mustapha Sayed. «A ce jour, on n’a pas exigé le rapatriement de son corps, par exemple… Certains frères de la direction ont joué un rôle dans la mort de Mustapha. Je ne parle pas ici d’une perspective tribale ou ethnique. Je pense que ceux qui le connaissent sont d’accord avec mon propos», a-t-il affirmé.
Dans ce sens, Bachir Dkhil souligne que «ceux qui savent sont conscients que ce n’est pas l’armée de l’air mauritanienne qui a tué Mustapha». «Il a été abattu alors que nous étions en prison. La faction qui voulait la dignité pour le peuple sahraoui a été éliminée et remplacée par une direction travaillant pour les intérêts algériens», insiste-t-il.
Certaines parties sahraouies ont déjà demandé une enquête sur l’assassinat d’El Ouali Mustapha Sayed. Pour leur part, des organisations internationales ont confirmé que le leader avait été tué dans une embuscade tendue par des agents algériens, dans la région d’Akjoujt près de Nouakchott, en collusion avec des éléments du Polisario qui contrôlent toujours les Sahraouis dans les camps de Tindouf.