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Djellabas et n’gab ou jupes et shorts… que portaient les Marocaines d’autrefois ?


Sur les réseaux sociaux et dans les cafés, vous avez certainement lu ou entendu quelqu’un parler de ce que les femmes devraient ou ne devraient pas porter comme vêtements. Vous avez déjà vu des gens débattre ou même comparer entre ce que leurs mères portaient et de ce que portent les filles aujourd’hui, en vous demandant s’il y avait vraiment un changement dans le mode vestimentaire des femmes marocaines.

Suite à la polémique née autour de l’habillement des associatives belges à Taroudant, des photos, des vidéos et des tweets tentent, depuis une semaine, de comparer la mode féminine des années 1950, 1960 et celle d’aujourd’hui. Alors, les Marocaines d’autrefois étaient-elles moins conservatrices qu’aujourd’hui, ou s’agit-il d’une illusion ne s’appuyant que sur quelques cas particuliers ?

Selon les historiens, les femmes se souciaient davantage de ce que leurs vêtements disaient de leur identité et de leurs origines tribales et ne prêtaient pas beaucoup d’attention à ce que ces vêtements révèlent de leur anatomie. Avant d’explorer l’histoire contemporaine, plongeons plus profondément dans l’époque médiévale.

Le Maroc médiéval où la question ne se posait même pas !

Il y a plusieurs siècles, le code vestimentaire des femmes dépendait, en effet, de leur région. Dans le Maroc médiéval, les femmes de la campagne avaient plusieurs activités en plein air qui ont façonné leur habillement, nous rappelle le spécialiste de l’époque médiévale, Mohamed Latif. «A la campagne, les vêtements des femmes ne posaient pas vraiment problème, car leurs vêtements reflétaient leur mode de vie chargée et reflétaient leur identité», explique l’historien et professeur à l’Université Ibn Zohr d’Agadir. Pour lui, ces femmes se souciaient beaucoup de dire aux autres à quelle tribu ou région elles appartenaient.

Image d'illustration. / DRImage d’illustration. / DR

Mais en ville, les choses étaient un peu différentes, notamment sous le règne de la dynastie des Mérinides. «Ce que les femmes portaient sous des dynasties almoravide et almohade n’était pas vraiment un problème… et je peux même dire que les femmes étaient plus ‘’ouvertes d’esprit’’ s’agissant de leurs vêtements pendant cette période», souligne Mohamed Latif. Cependant, avec la montée des Mérinides, la religion avait alors commencé à jouer un rôle majeur dans la définition de ce qu’une femme marocaine devait porter. L’historien rappelle que les femmes dans les grandes villes étaient influencées par le rôle grandissant des érudits musulmans que les sultans mérinides avaient favorisés.

«Au XIVe siècle, ils avaient forcé les femmes à respecter certaines règles et certains avaient même interdit aux Marocaines, par une fatwa, de fréquenter les femmes andalouses qui étaient plus ouvertes et plus libres dans leur façon de s’habiller.»

Mohamed Latif

L’historien mentionne le nom d’une personnalité religieuse très puissante à Fès et très stricte quand il s’agissait de l’habillement des femmes. «Abou Al Hassan Es-Saghir, ayant vécu au XIVe siècle, punissait même les femmes qui ne se couvraient pas en maculant leurs vêtements», souligne-t-il.

Pour lui, le lien entre les vêtements des femmes et la religion avait commencé à cette époque et l’idée s’était répandue depuis. «Ces religieux sont à blâmer pour le fait de renforcer cette mentalité, de voir les femmes sous un angle religieux idéalisé selon laquelle elles doivent se couvrir», conclut-il.

Le Maroc des années 50 et la cohabitation conservatisme et modernisme  

Image d'illustration. / DRImage d’illustration. / DR

Les restrictions sur ce que les femmes doivent porter et la manière dont elles doivent être habillées arriveront même à l’époque contemporaine. Dans les années 50, par exemple, certaines femmes avaient des lignes rouges importantes définies par leur famille ou leur mari, qu’elles ne pouvaient pas franchir. Pour l’historien marocain Ahmed Amalik, certaines femmes n’avaient pas le droit de sortir ou de pratiquer des activités en plein air. Il y avait même un terme spécial pour les décrire ; celui de «Hajbat». Et même si les Marocaines devaient étudier ou travailler, elles «devaient porter une djellaba et un n’gab, une sorte de tissu qui cachait leur nez et leur bouche et ne montrait que leurs yeux».

«À un moment donné, les femmes avaient commencé à se débarrasser du n’gab et à adopter des vêtements modernes, principalement occidentaux», déclare le professeur universitaire. «Cela a été perçu de manière négative au point que certaines personnes ont inventé un proverbe associant la sécheresse à ce choix et accusant les femmes d’en être responsables», nous précise-t-il.

Toutefois, les vêtements des femmes durant cette période avaient aussi été influencés par ce que les Françaises et les Européennes avaient apporté, lors du Protectorat, notamment des jupes, des pantalons et d’autres modes occidentales.

Mais les années 1960 et 1970 ont été une période au cours de laquelle hommes et femmes échangeaient et étudiaient ensemble, «sans faire très attention aux vêtements», nous déclare le sociologue marocain Mohamed Almotamasik, qui cite l’exemple de Casablanca.

«Les hommes et les femmes coexistaient dans cet environnement, en particulier lorsqu’il a été question de quartiers riches et de la classe moyenne», explique-t-il. Mais la tendance n’était pas la même dans les quartiers périphériques de la capitale blanche.

L’arabisation de l’enseignement et son impact sur l’habillement des femmes

Image d'illustration. / DRImage d’illustration. / DR

«Il y avait donc celles qui vivaient en banlieue et celle qui appartenaient plus ou moins à une certaine classe sociale et qui résidaient dans des quartiers riches ou de la classe moyenne», tranche-t-il.

«Dans les années 60 et 70, filles et garçons étudiaient ensemble et considéraient les vêtements comme quelque chose de secondaire. Dans les banlieues, les femmes devaient respecter certaines règles. Les filles portaient alors ce qui était considéré comme acceptable dans leur quartier, mais s’habillaient avec des vêtements plus modernes et plus osés lorsqu’elles devaient se rendre dans ces quartiers chics.»

Mohamed Almotamasik

Mais le sociologue raconte que plus tard, «cette tendance moderniste a changé lorsque la langue d’enseignement a été modifiée avec l’ère de l’arabisation vers la fin des années 80». «La réforme a apporté avec elle des idées qui étaient nouvelles pour la société et dans lesquelles des livres relatifs à l’islam abordaient ce que les femmes doivent et ne doivent pas porter», conclut-il. Le contrôle du corps des femmes via ce qu’elles vêtent semblent, encore aujourd’hui, toujours une priorité pour beaucoup d’hommes, jusqu’aux responsables politiques.





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