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Diplomates marocains #5 :Haj Mohamed Zebdi, l’ambassadeur itinérant de Hassan 1er


En 1876, le sultan alaouite Moulay Hassan (Hassan 1er) nomme Haj Mohomed Zebdi en tant qu’ambassadeur auprès du président français Patrice de Mac Mahon. Né à Rabat entre 1805 et 1806, ayant effectué le pèlerinage à deux reprises et ancien préfet de la ville de Rabat, Mohamed Zebdi n’est pas un étranger du monde la diplomatie.

Il est, en effet, l’un des deux négociateurs dépêchés avant la Deuxième guerre du Maroc, menée par l’Espagne contre le royaume chérifien entre 1859 et 1860 pour discuter avec les Espagnols. Au lendemain de cette guerre, Haj Mohamed est nommé secrétaire et observateur des comptes des Marinas perçus par le sultan.

Première et Deuxième guerre du Maroc

Dès l’avènement de Moulay Hassan Ben Mohamed Ben Abderrahmane, dit Hassan 1er, Haj Mohamed Zebdi est d’abord nommé chef du service des importations maritimes. Il est ensuite choisi pour représenter le royaume chérifien en France.

Nous sommes en 1860. Le Maroc, sous Moulay Abderrahmane, venait de subir deux défaites douloureuses suite à la Première et la Deuxième guerre du Maroc. La première, menée par la France en 1844, visant à mettre fin au soutien militaire du Maroc à l’émir Abdelkader. La deuxième est menée par l’Espagne en 1859. Le 28 août, le sultan Abderrahmane meurt, laissant comme successeur son fils Mohammed Ben Abderrahmane, dit Mohammed IV. Le nouveau sultan, pour éviter une guerre, dépêche comme émissaires Mohamed Zebdi aux côtés de Mohammed El Khatib pour négocier auprès du consul espagnol de Tanger. Mais la guerre aura finalement lieu et le Maroc y perdra près de 6 000 soldats. Tétouan est alors prise et le royaume chérifien devra signer avec l’Espagne le Traité de Wad-Ras où il reconnaît la souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla et rétrocède Sidi Ifni en plus du paiement de réparations de guerre de l’ordre de 100 millions pesetas espagnoles.

Illustration de la bataille d'Isly entre le Maroc et l'Espagne de 1860. / Ph. DRIllustration de la bataille d’Isly entre le Maroc et l’Espagne de 1860. / Ph. DR

Le 16 septembre 1873, suite au décès de Moulay Mohammed Ben Abderrahmane, c’est son fils Moulay Hassan qui est désigné sultan du royaume chérifien. Un monarque qui apprendra des erreurs de son père et son grand-père et qui multipliera les ambassades et les émissaires aux grandes puissances mondiales, espérant ainsi résoudre par la diplomatie les questions réglées autrefois par l’épée.

Une première mission à l’Elysée

C’est dans ce contexte que Haj Mohamed Zebdi est envoyé à Paris auprès du Président de la République. Il arrivera à Paris le 9 juin 1876, avant de se rendre à l’Elysée, le lendemain, pour rencontrer Patrice de Mac-Mahon, président de la République française, à en croire le «Journal officiel de la République française» (Huitième année, n° 150, 1er juin 1876).

Un portrait de Mohamed Zebdi. / Ph. Moroccan Embassy LondonUn portrait de Mohamed Zebdi. / Ph. Moroccan Embassy London

«Vendredi, à quatre heures et demi, le Maréchal Président (président de la République, ndlr) a reçu son excellence Sidi El Hadj Mohammed El Zebdi, ambassadeur de SM empereur du Maroc. Son excellence et les trois secrétaires de l’ambassade, ainsi que les officiers attachés à la mission, ont été conduits à l’Elysée, dans les voitures de la Présidence, par l’introducteur des ambassadeurs ; un bataillon d’infanterie, formant la haie dans la cour d’honneur, lui a rendu les honneurs militaires», indique-t-on dans ce journal.  

La réunion sera marquée par la présence des ministres des affaires générales et de la guerre assistaient à l’audience. A cette occasion, Mohamed Zebdi tiendra même un discours devant le président français.

«J’ai l’honneur de me présenter devant Votre Excellence au nom de Sa Majesté chérifienne, le prince des croyants, Empereur du Maroc. Sa Majesté, en m’envoyant en France, m’a chargé de renouveler les assurances de l’amitié qu’[il] porte à Votre Excellence et de lui faire savoir que sa ferme volonté est de voir se resserrer les liens qui ont toujours uni le gouvernement de ses augustes aïeux au Gouvernement de la France. (…) Quant à moi, j’éprouve la plus vive satisfaction à être auprès de Votre Excellence l’interprète des sentiments de cordialité de mon auguste maître.»

Extrait du discours de Mohamed Zebdi

Un message auquel le Président de la République répondra : «Sa Majesté Chérifienne nous a, depuis son avènement, donné maintes preuves du désir qui l’anime de maintenir les rapports de bon voisinage établis entre nos pays».

Une nouvelle mission en Belgique puis en Grande-Bretagne

Dans le numéro 39 de la revue mensuelle «Daaouat Al Haq» éditée par le ministère des Habous et des Affaires islamiques, on raconte notamment le succès de la mission de Mohamed Zebdi en France et son périple vers la Belgique.

«Pour aller en Belgique, la France lui prépare un train spécial et un véhicule digne de son rang. Il sera accompagné du vice-ministre des affaires étrangères ainsi que son interprète. Même pour aller en Grande-Bretagne, un navire spécial a été mis à sa disposition.»

Extrait de l’article de la revue mensuelle «Daaouat Al Haq»

La visite de Haj Mohamed Zebdi en Belgique est notamment racontée par l’historien marocain Khalid Ben-Srhir dans son livre «La Grande-Bretagne et le Maroc sous l’ambassade de John Drummond Hay 1845-1886» (Edition Routledge Curzon, 2005, traduit en anglais par Malcolm Williams et Gavin Waterson). «Quand il visita la Belgique, il effectua plusieurs visites fréquentes à des usines d’armes au point que Hassan Ier lui ordonna de retourner au Maroc avec des spécimens», rapporte-t-il.

De la Belgique, l’émissaire de Moulay Hassan se rendra en Grande-Bretagne pour rencontrer la reine Victoria avec laquelle l’ambassadeur aura des pourparlers tout comme avec son Premier ministre avant de rebrousser chemin vers Paris.

L’Italie de Victor-Emmanuel II avant de se rendre au Maroc

La mission diplomatique de Haj Mohamed Zebdi ne s’arrêtera pas là puisque l’ambassadeur itinérant de Hassan 1er se rendra ensuite en Italie pour rencontrer le roi Victor-Emmanuel II d’Italie. Le 22 août, l’ambassadeur et son équipe sont arrivés à Turin, raconte «La Civiltà cattolica»(1876). «Le soir de cette journée, les membres de l’ambassade du Maroc accompagnés du ministre d’Education publique, et le préfet de la police assisteront au quartier général de la police à l’un des spectacles, appelés arts vivants», poursuit la même source.

L’ouvrage fait état d’un don de 3000 lires en or, «déposée à la Banca Romana» par l’ambassadeur au profit de l’hospice Margherita di Savoia des personnes malvoyantes et d’un déplacement à Rome avant de rencontrer le roi italien. «De Rome, l’ambassade du Maroc passe à Florence, et reste assez pour visiter les principaux monuments de cette magnifique ville avant de partir à Turin, où il rencontre le roi Victor-Emmanuel II lors d’une audience», conclut l’ouvrage.

Portrait du sultan alaouite Moulay Hassan. / Ph. DRPortrait du sultan alaouite Moulay Hassan. / Ph. DR

De l’Italie, Mohamed Zebdi quitte l’Europe à bord d’un navire italien mobilisé par les autorités italiennes. Il arrivera à Tanger après une tournée européenne réussite, conclut la revue mensuelle «Daaouat Al Haq». C’est lors des Accords de Madrid de 1880 que la contribution de Moulay Hassan et de son émissaire porteront leurs fruits lorsque les puissances mondiales reconnaîtront la non-dépendance du Maroc vis-à-vis de toute puissance étrangère. Mais Hassan 1er décèdera subitement en 1894, laissant derrière lui son fils Moulay Abdelaziz et plusieurs réformes encore inachevées.





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