Avec 3 725 titres sur la période 2023/2024, la production des éditions marocaines dans les domaines de la littérature, des sciences humaines et sociales a connu une augmentation de près de 6,98% par rapport à 2022/2023, soit une moyenne de 1 863. Dans son rapport périodique à ce sujet, la Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud pour les études islamiques et les sciences humaines indique que le papier (91,03%) domine ces sorties, tandis que le format électronique reste peu utilisé (8,97%) et limité principalement aux institutions.
Par langues, l’arabe représente 79,43% du total des ouvrage, suivie du français (16,86%), de l’anglais (1,83%), de l’amazigh (1,78%), de l’espagnol (0,34%), puis de l’italien, avec une seule publication. A la veille de la trentième édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL 2025), les chiffres du rapport éclairent sur les disparités de diffusion et d’accès à ces supports, à la lumière des défis structurels du secteur.
Deux à trois ans pour la diffusion nationale complète d’un ouvrage
L’institution analyse de la production annuelle de l’édition au Maroc, en tenant compte des difficultés des coûts engendrés, ainsi que des possibilités de diffusion et de distribution au niveau territorial.
Selon le rapport, cette dynamique traduit «la complexité des défis, en particulier pour les œuvres publiées à compte d’auteur, qui représentent 20%», outre une concentration de l’activité sur l’axe Casablanca-Rabat. «Du fait de cette situation structurelle, la généralisation de l’accès à un livre à l’échelle nationale, si elle se concrétise, prendrait entre deux et trois ans à compter de sa date de publication», révèle le document.
L’institution considère même que «ce dilemme est l’un des problèmes les plus marquants mis en évidence dans ses rapports successifs, au cours des dix dernières années», d’où l’importance des efforts pour «mettre en place un mécanisme flexible et dynamique de suivi sur le terrain et de collecte des publications marocaines, avec une communication élargie» au réseau «de bibliothèques, d’éditeurs et de fournisseurs» au niveau national.
Répartition régionale des éditeurs marocains / source : Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud
Dans le même sens, la fondation relève que les statistiques d’édition par région au Maroc au cours de la période de référence montrent «des disparités dans la production de publications, certaines attirant plus d’activité d’éditeurs que d’autres».
L’axe Casablanca-Rabat domine, mais de nouveaux pôles émergent
Sans compter l’autoédition, le rapport souligne que plus de 50% des livres publiés au cours de la période étudiée l’ont été dans les régions de Rabat-Salé-Kénitra et de Casablanca-Settat avec 1 682 titres, dont 958 dans la première et 724 dans la seconde.
Par ailleurs, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma devient le troisième pôle régional de l’édition et du livre au Maroc, avec près de 440 titres publiés sur la même période. Un chiffre qui confirme la «croissance constante» de l’activité dans cette région. Pour sa part, Marrakech-Safi (128) arrive en quatrième position, suivie de Fès-Meknès (121), Souss-Massa (95), Beni Mellal-Khénifra (56) et l’Oriental (35).
Selon la fondation, «les publications dans ces régions conservent une importance particulière dans le contexte de la diversité de la production culturelle à travers le pays», malgré le faible nombre qui dénote une fois de plus des défis du secteur à s’implanter territorialement.
Des auteurs marocains publiés à l’étranger
En tout, les publications littéraires marocaines au Maroc restent dominées par les titres en arabe (73,23%), tandis que les œuvres en français représentent 18,72% et celles en amazigh constituent 6,52% de cet ensemble. Par ailleurs, la Fondation a constaté un début de déclin de la place de la poésie dans la création littéraire depuis 2015 (37%). Actuellement, elle est de 31,9%, laissant plus d’espace aux autres genres.
Dans un autre registre, la fondation s’est intéressée aux parutions marocaines de l’étranger. Il en ressort que les œuvres sont majoritairement réparties entre les pays arabes, avec environ 391 ouvrages, et ceux d’Europe (France, Italie, Allemagne, Espagne et Pays-Bas) avec près de 154 titres. «Dans une moindre mesure», d’autres régions ont connu des publications d’auteurs marocains, comme Amérique du Nord (États-Unis et Canada) avec cinq ouvrages.
Répartition des domaines des auteurs marocains édités à l’étranger / source: Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud
Pour analyser l’émergence de cette tendance, la fondation explique que «cette carte fragmentée» est le reflet de «la diversité des réseaux qui se tissent entre les auteurs et leurs éditeurs», outre «le lien entre la mobilité des auteurs marocains résidant à l’étranger et les maisons d’édition de leurs pays de résidence», ou encore «les attentes des auteurs quant à l’accueil de leurs publications par les spécialistes régionaux et mondiaux».
Marqués par les publications scientifiques et académiques, les ouvrages anglais de chercheurs marocains travaillant dans le domaine des études postcoloniales paraissent principalement en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Dans les pays arabes, la cartographie est plus diversifiée entre la région du Levant (Jordanie, Liban et Syrie respectivement) avec 215 livres, suivie du Golfe (Émirats arabes unis, Qatar, Arabie saoudite et Koweït) avec 114, ainsi que des pays comme l’Égypte (38), la Tunisie (16), l’Irak (6) et le Soudan (2).
Ces chiffres s’expliquent par une réorientation des auteurs vers des pays où le secteur montre plus d’attractivité que les classiques maisons d’édition libanaises et égyptiennes. En effet, ces nouvelles destinations se distinguent par une offre au-delà de l’aspect financier propre à chaque ouvrage, analyse la fondation.
Répartition des auteurs marocains édités dans le reste de la région arabe / source : Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud
Permettant un écho régional aux auteurs marocains du Maroc et de l’étranger, ces pays ont capitalisé notamment sur de nouvelles initiatives orientées vers la tenue de salons et de rencontres professionnelles avec plus de moyens alloués à cet effet, outre l’organisation de prix et de distinctions en soutien aux auteurs.