Le 13 septembre 1932, la France coloniale perdait une bonne partie du bataillon d’attente de sa Légion étrangère dans un accident ferroviaire aux nombreuses connexions avec le Maroc. Si les bataillons de cette légion se trouvaient notamment à Oujda alors que d’autres se déployaient régulièrement depuis l’Algérie vers le Maroc, l’accident coutera la vie 52 soldats, sur un total de 62 morts, qui se dirigeaient vers le royaume pour prendre part à la pacification lancée par la France. Au Maroc, le drame intervient quelques jours seulement après un affrontement entre les forces coloniales françaises et la tribu résistante des Aït Soukhmane. Une bataille qui se solde par la défaite de cette tribu amazighe le 10 septembre 1932 dans ce que l’histoire appellera l’évènement de Tazizaout.
Le train Oran-Oujda et la pacification du Maroc
Nous sommes en 1907. La France, présente en Algérie, commençait déjà à s’intéresser aux tribus situées dans les régions frontalières entre l’Algérie, où elle est déjà présente, et le Maroc qu’elle souhaite conquérir. Elle lance donc une pacification de ces tribus et qui s’étendra, dès 1912, date de la signature du Protectorat français sur le royaume chérifien, vers d’autres régions du Maroc.
Pour réussir cet exploit, la France se base notamment sur sa Légion étrangère, installée d’abord en Algérie. Durant les premières années ayant suivi la signature du pacte du Protectorat français au Maroc, des bataillons et des régiments se déplaçaient de l’Algérie occupée par la France, pour venir en aide aux forces coloniales présentes au Maroc. Ainsi, et comme le rapporte le site de la Légion étrangère, en 1932, «la Légion étrangère était toujours basée en Afrique du Nord». «Elle avait trois de ses régiments en poste à l’Ouest de l’Algérie [alors que] d’autres bataillons se déployaient régulièrement depuis l’Algérie vers le Maroc en renfort du 1er régiment étranger», établi lui à Sidi Bel Abbès et dans la région d’Oran.
Des militaires à bord d’un train. / Photo d’illustration
Au Maroc, et juste avant les célèbres batailles de Jbel Baddou, un affrontement opposera les forces coloniales françaises à la tribu résistante des Aït Soukhmane. Elle se déroulera dans les fiefs de cette tribu amazighe situés, selon Tribus du Maroc, entre Tagelft, Boutferda, Aghbala et bordés à l’Est par Imilchil. L’affrontement commencera le 20 août avant de se solder, le 10 septembre 1932, par la défaite de la tribu. L’évènement de Tazizaout, qui avait «fait couler beaucoup de sang», poussera certains membres de ladite tribu de rejoindre les guerriers des Aït Mrghad, des Aït Hdiddou, des Aït Issa et d’Assif Melloul, épaulés par les durs combattants des Aït Atta. Cette mosaïque de tribus se retranchera peu à peu vers Jbel Baddou.
Consciente de la nécessité de mettre fin à cette résistance, la France a donc besoin de renfort pour poursuivre sa politique de pacification. Cela explique donc le déplacement du régiment d’attente situé à la gare de Sidi Bel Abbès en Algérie vers Oujda pour rejoindre les forces coloniales dans l’Atlas.
La gare d’Oran était reliée à celle d’Oujda mais une voie ferrée. / Ph. DR
Un renfort qui n’arrivera jamais
Mais le bataillon n’atteindra jamais le Maroc. Le train en provenance de Sidi Bel Abbès et à destination d’Oujda aura un accident qui coutera la vie à 52 soldats et fera 280 blessés sur un total de 500 légionnaires.
Dans son livre «Railroad Wrecks» (Editions Associated Univerity Presses, 1993), Edgar A. Haine revient sur cet accident ferroviaire survenant sur la ligne Oran-Oujda. «Le 14 septembre 1932, un train militaire transportant cinq cents officiers se rendait de Sidi Bel Abbès à Oujda. Dans une région montagneuse située entre Zelboun et Turenne (l’actuelle Sabra,ndlr), le train déraille de la voie ferrée avant de plonger dans un ravin profond».
Quatorze rames en plus de la locomotive s’écrasent au fond du ravin, causant la mort à «cinquante soldats et 223 blessés». Deux chiffres qui s’ajouteront aux cheminots et personnel à bord du train pour faire un total de «62 morts et plus de 280 blessés», rapporte Jeune Afrique. Edgar A. Haine raconte que «de la masse d’épaves tordues venaient les cris des blessés et des soldats sur le point de mourir».
Photo d’illustration. / DR
Les opérations de sauvetage dureront toute la nuit. Un train de secours spécial est venu transporter les blessés vers Tlemcen. L’enquête menée sur l’accident «n’a révélé aucun signe de sabotage ou autre acte criminel», seulement la détérioration de l’état des rails.
Ce drame ferroviaire restera dans les annales de l’histoire coloniale en Afrique du Nord pour le Maroc et l’Algérie et sera qualifié d’accident ferroviaire le plus meurtrier dans l’histoire de la Légion française étrangère. Mais au Maroc, il n’est classé qu’à la deuxième place après l’accident survenu à Ouarziga, près de Meknès, en 1945. Le 24 juin de cette année, 228 militaires marocains revenant de la Seconde Guerre mondiale, à bord d’un train mixte de voyageurs et de wagons citernes d’essence, perdront la vie dans un incendie.