Le meurtre tragique d’une enseignante de français à Erfoud en avril dernier, victime d’une agression violente par un de ses élèves en pleine rue, a ravivé le débat sur la violence en milieu scolaire, suscitant une vive indignation dans les milieux éducatifs et au sein de la société.
Dans ce contexte, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement primaire et des Sports, Mohamed Saad Barada, a reconnu lundi lors d’une session parlementaire que les actes de violence dans les écoles «ont récemment augmenté». Il a expliqué que le ministère a déployé une série de mesures pour contrer ce phénomène, notamment en intégrant des activités parascolaires telles que le théâtre, le cinéma et le sport, afin de réduire les comportements violents dans les établissements scolaires.
Le ministre a également évoqué la mise en place de cellules de vigilance au sein des écoles, chargées de surveiller l’état psychologique et social des élèves grâce à des spécialistes, orientant ceux qui en ont besoin vers des psychologues pour un soutien approprié.
En outre, le ministre a annoncé l’intention d’installer des caméras de surveillance utilisant l’intelligence artificielle pour détecter les incidents violents et alerter immédiatement les autorités compétentes, afin d’améliorer la sécurité dans les écoles. Il a souligné la poursuite de la collaboration avec les services de sécurité pour sécuriser les abords des établissements éducatifs.
Mesures anciennes aux impacts limités
Mohamed Tikounsi, membre du Bureau national de l’«Association marocaine pour les droits des élèves» et inspecteur pédagogique à l’Académie de Marrakech-Safi, a souligné que la plupart des mesures annoncées ne sont pas nouvelles et figuraient déjà dans des directives antérieures sans réelle mise en œuvre, à l’exception de l’initiative des caméras, qu’il a qualifiée d’intéressante si elle est généralisée.
Bien que «toute avancée vers la réforme soit positive», les efforts actuels, selon ce défenseur des droits, restent partiels et temporaires, incapables de provoquer des changements profonds. Il a noté que la violence sociétale se reflète dans l’école, et inversement.
Tikounsi a affirmé que combattre la violence scolaire est un projet collectif, nécessitant une politique générale fondée sur le dialogue, au-delà des approches sectorielles étroites, car l’école fait partie d’un environnement social plus large. «Le succès de toute réforme nécessite un projet national intégrant les aspects éducatifs, sociaux et culturels. Les mesures de sécurité et légales peuvent dissuader, mais n’adressent pas les racines du problème, car la violence scolaire reflète un problème sociétal plus vaste.»
L’école n’est pas seule responsable
Les voix au sein de la société civile s’accordent pour dire que l’urgence actuelle n’est pas de réagir à chaud ou de tenter de «calmer» la colère publique après chaque drame, mais de mettre en place une stratégie à long terme qui considère l’élève comme un citoyen en devenir, nécessitant un environnement sain et sécurisant, fondé sur des valeurs de dialogue, de responsabilité et de respect.
Dans ce contexte, Wafa Boufrahi, présidente de l’association «Bassmat Khair», active dans la lutte contre la violence scolaire à travers des activités de sensibilisation et de formation, a souligné que combattre la violence scolaire est un projet collectif et a mis en garde contre la réduction des solutions à des mesures sécuritaires ou techniques. Elle a insisté sur le fait que le soutien aux établissements éducatifs doit commencer par leur fondement psychologique et social, en fournissant des spécialistes qualifiés et en ouvrant la porte aux associations de la société civile, notamment les associations de parents, pour participer activement à la surveillance des comportements.
Boufrahi a affirmé que tenir l’école seule responsable de la lutte contre la violence est injuste, car la plupart des incidents se produisent en dehors de ses murs, et l’élève criminel peut en réalité être victime d’un système social fragmenté, nécessitant une réforme plus profonde que l’installation d’une caméra ou l’organisation d’une activité théâtrale.
«Le drame de l’enseignante d’Erfoud s’est produit sur la voie publique, et les caméras ou le personnel de sécurité ne peuvent être tenus responsables de suivre les élèves jusqu’à leur porte. Traiter la violence ne peut être confiné dans les murs des institutions.»
Wafa Boufrahi
L’associative a insisté sur la nécessité de ne pas négliger les comportements inappropriés parmi les élèves, de communiquer avec leurs parents, et a conclu en appelant les médias à contribuer à des campagnes de sensibilisation destinées aux familles, aux élèves et au personnel éducatif, pour instaurer une culture du dialogue à l’intérieur et à l’extérieur des établissements éducatifs.