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«Croissant noir», le plus controversé des groupes de la résistance nationale


Comme tout pays qui a subi l’injustice et l’oppression du colonisateur, ainsi que la répression postcoloniale, le Maroc a lui aussi disposé de ses organisations secrètes. Des groupuscules destinés tantôt à lutter contre le protectorat français et espagnol, tantôt à mener la vie dure au roi Hassan II.

De 1912 à 1956, l’histoire de la lutte nationale contre la colonisation a été marquée par plusieurs étapes. L’ère pré-indépendance reste sans doute la plus féroce et la plus meurtrière, écrite par une France déterminée à se maintenir au pouvoir au Maroc et, parallèlement, par une résistance aspirant à la liberté. Avec la montée des tensions entre Marocains et forces coloniales dès 1950, la résistance nationale décide de franchir une étape cruciale ; celle de la lutte armée. Plusieurs organisations secrètes prennent ainsi le relai, visant les Marocains qui collaborent avec les autorités coloniales ou des personnalités françaises établies au Maroc.

Une organisation née des cendres de «la Main noire»

Le 7 avril 1951, Mohammed Zerktouni, Hassan Lahraichi et Houcine Berrada créent, à Casablanca, la fameuse «Organisation secrète». Un groupe armé né dès le lancement, par le France coloniale, d’une campagne à l’encontre du parti historique de l’Istiqlal et ses membres.

Nous sommes le 20 août 1953. Le sultan Mohammed Ben Youssef et la famille royale, viennent d’être exilés. Le peuple, choqué par la décision de la Résidence générale, est en ébullition. La lutte armée, elle, atteint son apogée. Moins d’un mois plus tard, soit le 5 septembre 1953, la résistance nationale à Casablanca lancera sa première opération contre le colonisateur, comme le rapporte le septième tome des «Mémoires du patrimoine marocain» (Editions Nord Organisation, 1986).  

Le 11 septembre 1953, le martyr Allal Ben Abdellah tentera d’assassiner Mohamed Ben Arafa, que les autorités coloniales venaient de désigner comme le successeur de Mohamed Ben Youssef. Les opérations visant les figures du colonialisme se multiplieront. Plusieurs actions sont alors menées, comme la bombe du Marché central de Casablanca le 24 décembre 1953 et l’assassinat du directeur du journal La Vigie marocaine. «L’Organisation secrète» donnera alors naissance à «La Main noire», dirigée par Ahmed Rachidi et Ibrahim Sadki.

Mais en octobre 1953, un dépôt d’armes et de munitions est découvert par les autorités coloniales dans la maison de Brahim Aït El Asri, alias Ibrahim Sadki, après plusieurs opérations menées avec succès. Des membres de «La Main noire» sont alors arrêtés puis condamnés à mort ou à des peines d’emprisonnement. Dès octobre 1954, l’organisation secrète n’est plus qu’une coquille vide sans ses membres dirigeants.

L'exécution, le 4 janvier 1955, d'Ahmed Rachidi et Moulay Taher, figures de proue de «La Main noire». / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»L’exécution, le 4 janvier 1955, d’Ahmed Rachidi et Moulay Taher, figures de proue de «La Main noire». / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»

En Mars 1954, soit l’anniversaire de la conclusion du «Traité pour l’organisation du protectorat français dans l’empire chérifien», Abdellah Haddaoui, Hassan El Glaoui, Abdelkrim Benabdellah, Abdellah El Ayyachi, Taib El Bakkali et d’autres combattants fondent une nouvelle organisation pour poursuivre l’œuvre de «la Main noire». Inspiré par le magazine égyptien «Al Hilal» (le croissant), Mohamed Haddaoui, âgé à peine de 17 ans, choisira comme nom le «Croissant noir». D’ailleurs, un premier tract annonçant la naissance de cette organisation secrète a entériné sa relation étroite avec «la Main noire» et «l’Organisation secrète». Intitulée «De la Main noire au Croissant noir», la publication appelait à la mobilisation contre le colonisateur.

Le «Croissant noir» et «l’Organisation secrète», des hauts et des bas

Mais la complicité et la coordination avec l’organisation-mère seront vite ébranlées par une succession d’événements, à en croire le témoignage d’El Mahdi Benmoussa alias Bou’oudina dans une interview en 1984, parue dans les «Mémoires du patrimoine marocain». Il y raconte les débuts du «Croissant noir» et ses relations avec «l’Organisation secrète».

«Lors d’une soirée, après la destitution du sultan, Hassan El Glaoui nous a informé d’un flyer signé par « la Main noire ». Il était en contact avec Belfqih Benlahcen Taleâ, qui lui avait donné un pistolet (…) quelques jours avant l’affaire du cinéma Rio. Après le démantèlement de « la Main noire », Hassan El Glaoui a alors décidé d’entamer la fabrication de bombes (…) Il avait aussi d’autres relations avec les groupes de Derb El Kabir, Derb Attalaba, Derb Bouchentouf et même à l’ancienne média.»

La première publication du «Croissant noir» intéressera les fondateurs de «l’Organisation secrète» pour renforcer les relations entre les deux entités et les transformer en une collaboration plus qu’étroite, poursuit El Mahdi Bou’oudina. Un rapprochement qui ne faisait pas l’unanimité au sein de la toute nouvelle organisation. A partir de décembre 1954, deux opérations du «Croissant noir», d’abord contre «Café La Soupe» puis contre les quartiers généraux du journal La Vigie, se solderont par un échec. Des membres sont alors tués à cause de bombes qui exploseront «par erreur» avant même d’atteindre leurs objectifs. Cela poussera Hassan El Glaoui, figure de proue de la nouvelle organisation, à sortir un deuxième tract pour rendre hommage aux martyrs. La démarche ne bénéficiera pas de la bénédiction de «l’Organisation secrète», poursuit l’ancien membre du «Croissant noir». «Cinq jours après, la réponse de l’Organisation secrète est tombée. El Madani (membre de l’Organisation secrète, ndlr) est venu me voir pour m’exprimer le mécontentement de l’organisation suite à la nouvelle publication, me rappelant que l’accord entre nous et eux indiquait de ne pas opérer sous le nom d’une autre organisation», déclare-t-il.

Une manifestation pour le retour du sultan Mohammed Ben Youssef. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain» Une manifestation pour le retour du sultan Mohammed Ben Youssef. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»

Accusés entre autres de «communisme», certains membres seront mêmes assassinés

La coordination continuera jusqu’en 1955. Une opération menée contre une des figures du protectorat ne se déroulera pas comme prévu. Le 3 mars, Bou’oudina et Hassan El Glaoui sont alors arrêtés par la police. Une arrestation qui mettra fin à la coordination avec l’organisation-mère. Des membres du «Croissant noir» sont alors tués, d’autres accusés de meurtres de membres de «l’Organisation secrète».

Dans son témoignage, El Mahdi Benmoussa revient notamment sur la fin du «Croissant noir», mais avant, sur son évasion de la prison avec d’autres membres de l’organisation. Avec le début de l’année 1956, et après l’élimination de plusieurs traitres ou figures du protectorat, françaises ou marocaines, le «Croissant noir» entamera une autre phase. L’organisation est accusée de «communisme» ou même d’opérations de groupuscules français menées sous le nom d’Abdellah El Haddaoui. «Ce qui nous a fait peur, que nous soyons d’accord ou pas avec la voie empruntée par Abdellah (El Haddaoui, ndlr) ou Hassan (El Glaoui, ndlr), c’est l’accusation de communisme alors que nous étions tous, y compris Abdellah et Hassan, des membres de mouvement national né dans les bras du parti de l’Istiqlal», conclut Bou’oudina.

Hajjaj Lamzabi et Mohamed Haddaoui morts le 27 septembre 1956. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»Hajjaj Lamzabi et Mohamed Haddaoui morts le 27 septembre 1956. / Ph. «Mémoires du patrimoine marocain»

Dans la soirée du 28 juillet 1956, plusieurs membres du «Croissant noir», dont Mohamed El Bakkali, seront assassinés devant le zoo d’Ain Sbaâ, comme le rapporte le quotidien Al Akhbar dans l’un de ses numéros. L’intervention est intitulé «piège du zoo d’Ain Sbaâ». Les membres tués venaient de rentrer de Rabat après une rencontre avec Mehdi Ben Barka et des dirigeants de l’Istiqlal. Quelques semaines plus tard, soit le 27 septembre, Hajjaj Lamzabi et Mohamed Haddaoui seront eux aussi tués dans une maison située au quartier casablancais Sidi Maarouf lors d’une intervention policière. Le «Croissant noir» venait officiellement de perdre son cercle dirigeant.





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