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Comment la construction du mur des Sables avait permis au Maroc d’inverser la donne au Sahara


En août 1980, suite à la guerre au Sahara contre les éléments du Front Polisario, le Maroc lance la construction d’un mur de défense lorgnant ses frontières avec l’Algérie. Construit en étapes, ce mécanisme défensif permettra aux Forces armées royales de repousser plusieurs attaques du mouvement séparatiste depuis l’Algérie.

Mais si la donne avait bel et bien changé dès l’achèvement du mur des Sables, l’impératif de trouver une solution pour contrer les attaques répétitives des guérillas du Polisario répond surtout à des craintes sur une éventuelle victoire du mouvement séparatiste, épaulé par l’Algérie et même la Libye.

En effet, un document de la Central Intelligence Agency (CIA), rédigé en mars 1979 et déclassifié en août 2001, raconte comment le Maroc avait perdu, à l’époque, «l’initiative dans ses efforts» pour se maintenir au Sahara face au «harcèlement implacable des guérillas du Front Polisario». «La marée de la guerre est en faveur du Polisario et nous ne pensons pas que le Maroc pourra inverser la donne, tant que les approvisionnements militaires en provenance d’Algérie se poursuivront et que le refuge algérien sera maintenu», écrit l’office des analyses politiques de la CIA.

«Les forces marocaines sont de plus en plus axées sur la défense et montrent une faible capacité à détecter et à réagir aux concentrations de forces du Polisario. Les échecs résultant d’un entretien insuffisant, le manque de pièces de rechange, l’insuffisance des opérations de renseignement et de sécurité, les défaillances du commandement et le moral bas sont d’autres facteurs contribuant à la perte d’efficacité du Maroc», poursuivait l’analyse de la CIA.

Un conflit aggravé par le retrait de la Mauritanie de la partie sud du Sahara

La même source raconte aussi comment «les problèmes marocains ont été aggravés par le retrait de la Mauritanie des combats», ce qui permettra aux guérillas de concentrer leur offensive contre la partie qu’administrait le Maroc à l’issue de l’accord de Madrid (1975).

«Plusieurs développements dans le conflit semblent plausibles au cours des prochaines années : Une opposition nationale croissante à la guerre au Maroc pourrait affaiblir gravement la position de négociation de Hassan II d’ici un an. En l’absence de négociations, des contraintes politiques, économiques et militaires empêcheront probablement le conflit de dégénérer en une guerre conventionnelle.»

Analyse de la CIA de 1979

La même source avait reconnu que le Polisario enregistrait à l’époque des «succès militaires occasionnels», infligeant «de lourdes pertes aux forces marocaines» avec ses «3 000 à 5 000 combattants» qui exploitaient «les avantages tactiques du terrain désertique peu peuplé».

Illustration. / DRIllustration. / DR

Evoquant la libre circulation des éléments du mouvement séparatistes, le document mettait en avant le cadeau offert au Polisario par les opposants mauritaniens qui allaient reconnaitre la «RASD». L’analyse affirmait même que «depuis le coup d’Etat en Mauritanie, le nombre de victimes marocaines est passé à environ 100 hommes par mois». Mais l’analyse de la CIA revenait aussi sur les contraintes des adversaires du Maroc.

«Le Polisario n’a pas la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre autre chose qu’une stratégie de guérilla. Son objectif n’est pas de vaincre les Marocains, mais de les forcer à la table de négociation ou de se retirer. Les forces de guérilla dépendent de l’aide militaire principalement algérienne et, dans une moindre mesure, libyenne.»

Rapport de la CIA de 1979

Le rapport analysait la position algérienne de l’époque, rappelant que «la nouvelle direction algérienne n’a pas relâché l’engagement du président Boumediene pour la cause nationaliste du Sahara occidental». «L’Algérie continue à refuser de reconnaître les annexions maroco-mauritaniennes et fournit un refuge à la guérilla du Polisario et un soutien matériel», précisaient les rédacteurs de l’analyse.

Le Maroc avait fini par changer la donne

Le document regrettait le «peu de perspectives immédiates d’un règlement négocié de ce conflit sans la médiation extérieure». «La guerre va probablement durer tout au long de sa quatrième année», ajoutait la même source.

La CIA faisant savoir que «les efforts de règlement entre le Maroc et l’Algérie s’étaient arrêtés à l’époque du président Boumediene, en décembre dernier (1978)». «Bien que des changements de gouvernement en Algérie et en Mauritanie auraient pu sortir de l’impasse, le différend semble maintenant encore moins facile à régler que lorsque la guerre avait éclaté il y a plus de trois ans», concluaient la note.

Le roi Hassan II en tenue militaire. / Ph. DRLe roi Hassan II en tenue militaire. / Ph. DR

Avec l’assistance de techniciens français, d’experts israéliens et une aide financière saoudienne, le Maroc procède, dès 1980, à la fortification militaire de lignes de dunes dans une perspective défensive. Il construit ainsi, en six étapes, un mur des Sables. «Entreprise pour inverser le rapport de forces sur le terrain par les FAR, la fortification s’étale sur plusieurs années avec l’aménagement de lignes successives, dont la première ceint le triangle Bou Craa-Smara-Boujdour», écrit Karine Bennafla dans son article «Les frontières mouvantes du Sahara occidental», paru dans la revue «L’Espace Politique» en 2013.

Le mur permet non seulement de prévenir des incursions du Polisario dans le sud du royaume, mais aussi de «transformer les modalités de la guerre».

«Statiques et cantonnées sur une position défensive, les FAR subissaient les actions de guérilla du Polisario, dont les troupes bien armées (par l’Algérie, la Libye et la Corée du Nord) étaient capables d’une grande mobilité. Avec les murs de sable, l’affrontement armé devint guerre de position et la supériorité tactique du Polisario, fondée sur une connaissance du terrain, fut réduite à néant. La guérilla s’épuisa contre les fortifications.»

Karine Bennafla

Le Maroc équipera aussi son mur, d’une longueur entre 2 500 et 2 700 kilomètres, de plusieurs systèmes de pointes, rendant son accès une mission presque impossible.

Et c’est ainsi que le conflit armée entre le Maroc et le Polisario réduira sensiblement son intensité jusqu’à la signature d’un cessez-le-feu entre les deux parties, en 1991 sous l’égide de l’ONU.





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