Un document de la CIA révèle un discours de Mouammar Kadhafi, prononcé à Tripoli en mars 1985. Il y aborde les obstacles à l’unité arabe et exprime son souhait d’intégrer de nouveaux pays à l’Union arabo-africaine, une alliance entre le Maroc et la Libye signée en 1984 et dissoute en 1986, avant de se pencher sur le conflit du Sahara occidental.
Kadhafi a affirmé devant ses partisans son soutien au Front Polisario. «En réalité, nous avons créé le Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro en 1972», a-t-il révélé en ajoutant : «Le Sahara était une colonie espagnole, et personne, ni les Arabes, ni les Africains, ni les Asiatiques, n’en parlait. Ils n’en avaient même pas conscience.»
Selon le document déclassifié en 2012, il a également déclaré : «Nous savions seulement qu’une partie de la terre arabe était occupée par l’Espagne depuis des siècles.» Il a critiqué l’Algérie pour son inaction face au colonialisme espagnol au Sahara, déclarant : «Le 11 juin 1972, en présence du défunt Boumédiène, il ignorait ce qu’était le Sahara ou le Polisario. Il n’a pas réagi lorsque j’ai évoqué l’occupation d’une partie de la patrie arabe par l’Espagne, une honte à éradiquer.»
Kadhafi a ensuite évoqué El Ouali Mustapha Sayed, premier dirigeant du Polisario, le qualifiant de «modèle révolutionnaire arabe dont nous sommes fiers.» Il a confirmé que la Libye avait formé des membres du Polisario en coopération avec l’OLP et supervisé la contrebande d’armes dans le Sahara, à l’insu de l’Algérie et de la Mauritanie, soulignant que les autorités algériennes avaient intercepté un chargement destiné au Polisario.
Il a attribué le retrait espagnol du Sahara aux opérations militaires menées contre eux, ajoutant qu’ils «sont restés tant que la situation était calme, mais ont quitté rapidement lorsque cela a explosé».
Les craintes de la Mauritanie et le désintérêt de l’Algérie
El Ouali de la tribu des Rguibates avait affirmé, selon Kadhafi : «Si nous faisons de ce Sahara un État, je n’ai aucune objection à l’unir avec le Maroc, l’Algérie ou la Mauritanie. Moktar Ould Daddah (premier président de la Mauritanie) est venu me voir et m’a dit : Si vous libérez le Sahara, je vous exhorte à en faire un État indépendant pour servir de barrière entre moi et le Maroc.»
La Mauritanie voulait mettre fin aux revendications marocaines sur la terre de Chinguetti. Kadhafi a poursuivi en affirmant «quant à l’Algérie, elle n’avait pas de lien avec cette affaire».
«Nous avons soutenu le Front Polisario dans toutes ses revendications… À l’époque, il n’y avait pas de volonté d’ajouter un autre petit État aux 21 ou 22 micro-États arabes susceptibles d’être anéantis par une superpuissance.»
Mouammar Kafhafi
Il a conclu en exprimant ses regrets sur l’évolution du Front Polisario, qui est passé d’un mouvement révolutionnaire à un mouvement indépendantiste. «Nous disions que ce n’était pas un mouvement séparatiste ; c’était une révolution. Mais avec grand regret, le Polisario n’a pas réussi à se transformer en révolution. Au fil du temps, avec les changements dans sa direction et la mort d’El Ouali, il s’est transformé en un mouvement cherchant l’indépendance.»