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Chakib Guessous, 30 ans d’action et de réflexions sur les enfants et les jeunes de la rue

Chakib Guessous, 30 ans d’action et de réflexions sur les enfants et les jeunes de la rue

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Fruit d’un travail académique collectif sur cinq ans, «Enfants en situation de rue» (éd. Marsam, 2019) de Chakib Guessous a été l’ouvrage de référence sur cette thématique au Maroc, ces dernières années. Le médecin et sociologue est désormais l’auteur de «Survivre… enfants et jeunes de la rue» (éd. La Croisée des chemins, 2025), un essai voulu tout public, issu d’une longue expérience entre immersion, recherche et action sur trois décennies. L’auteur y dépeint un phénomène qui n’a pas encore été assez étudié, en apportant des éléments d’analyse et de compréhension sur la réalité poignante d’individus à la marge de la société, entre exclusion et survie.

Dans un équilibre réussi entre explications d’une thématique complexe, éléments et de terrain, dimension sociologique et discours accessible aux non-initiés, l’ouvrage est enrichi également de témoignages directs. Il propose aussi un catalogue des différentes réalités qui mettent en situation ce phénomène dans d’autres pays et régions, permettant ainsi à l’auteur d’ancrer sa réflexion à la fois dans un contexte local et global. En filigrane, il analyse les mécanismes d’exclusion sociale, en rappelant le rôle vital de tous, à commencer par les décideurs, afin de repenser le rapport à la vulnérabilité et à la solidarité.

La complexité de ces dimensions a en effet nécessité une analyse et une réflexion sur le temps long, comme nous l’explique l’auteur. «Il est question ici d’un phénomène qui reste récent. A travers le monde, il n’a émergé au niveau médiatique que dans la seconde moitié du XXe siècle. Au Maroc, l’Association Bayti a beaucoup travaillé dessus, depuis 1995, mais peu de recherches académiques ont accompagné l’analyse nécessaire. Il a fallu donc tout apprendre», a déclaré Chakib Guessous à Yabiladi.

Une expérience pluridisciplinaire entre sociologie et action sociale

Capitalisant sur l’expérience de son travail dans les années 1990 auprès des enfants marocains en situation de rue en Italie, le chercheur construit son approche sur des entretiens approfondis, de manière à «élaborer une vision» sur la dynamique de la vie dans la rue, auprès des enfants, des jeunes adultes et des personnes âgées. Cette démarche multidisciplinaire s’est enrichie grâce à une immersion totale dans l’interaction entre ces personnes et la vie associative, avec la création de Riad Al Amal, dont Chakib Guessous est le co-fondateur en 2007.

«De là, j’ai pu mettre en place un programme de recherche, alors que nous n’avions jusque-là aucune connaissance scientifique nationale et qu’aucun autre pays en Afrique n’avait atteint le niveau de recherche au Maroc. J’ai pu notamment procéder à un comparatif de la situation sur le terrain avec l’Amérique latine, puisque l’Amérique du Nord et l’Europe avaient déjà mis en place un dispositif de prise en charge des enfants en situation de rue», nous dit l’auteur.

L’évolution de ce processus a nourri le programme de réinsertion de ces personnes, au Maroc. Un exemple qui inspire désormais le protocole opéré en Amérique latine dans ce domaine. «Nous avons considéré que le but n’était pas de se cantonner à donner à manger aux enfants et à leur porter assistance en temps réel, mais de créer des mécanismes à même de les réintégrer à la société. L’autre objectif est de donner de la connaissance scientifique et faire de la recherche», souligne encore Chakib Guessous.

Depuis, le plus grand programme de recherche mené par le spécialiste a été clôturé en 2017, donnant ainsi lieu à une publication collective coordonnée par ses soins, deux ans plus tard : «Enfants en situation de rue». Destiné aux chercheurs et à la société civile, cet ouvrage scientifique regroupe des données académiques et de terrain, devenues des sources de référence. L’ouvrage est repris par l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE) pour servir d’expérience pratique, qui inspire les grandes villes africaines dans le développement de mécanismes efficaces.

C’est dans ce sens où le plus récent ouvrage de Chakib Guessous, «Survivre… enfants et jeunes de la rue», apporte une nouvelle perspective de lecture. Celle-ci interroge notamment «le droit à la protection, à la prise en charge, à une place à l’école, dans la formation ou au travail». Autant dire que cette contribution concerne le large public, les fins connaisseurs, mais aussi les décideurs.

«Aujourd’hui, j’ai souhaité aborder la question à travers un essai. Toutes les données de terrain du spécialiste sont là, mais avec des explications pour les non avertis, afin de faciliter la lecture et mieux éclairer notre société sur ces réalités. On passe du texte explicatif à la mise en situation dans la vie de la rue.»

Chakib Guessous

Archive - Ph. UIRArchive – Ph. UIR

Les natifs de la rue, une dimension alarmante et peu étudiée

Sur trente ans de réflexions et de travail, le chercheur dresse également l’évolution des enjeux allant de pair avec le phénomène, en termes d’usage des drogues, de violences, de mendicité, de mécanismes complexes menant à la vie à la rue ou accentuant les retours après une fragile réintégration. Pour l’auteur, il s’agit de «dresser le tableau du cheminement des enfants vers la rue, principalement en raison des violences intrafamiliales», mais aussi d’alerter sur «l’émergence des natifs de la rue», les enfants de mères sans abri.

A ce titre, Chakib Guessous alerte sur le fait que ces générations-là «ne connaissent pas de maisons et n’intègrent pas la dimension de domicile, dans leur raisonnement». Contrairement à leurs parents, qui ont jusque-là eu une vie antérieure dans un tissu familial, avant de se retrouver dehors, «ils n’ont pas acquis ces conceptions sociales, ce qui fait que leur esprit évolue de manière éclatée».

«Pour l’heure, nous avons quelques cas mais cela questionne sur l’avenir de ces générations à venir, ce qui nécessite de mener des recherches, dans une dimension sociologique et psychiatrique.»

Chakib Guessous

Face à ce constat inquiétant qui s’avère être une autre paire de manche dans la recherche et en termes de protection de l’enfance, Chakib Guessous rappelle qu’«on ne devrait pas avoir de nouveau-nés de la rue». «Cette tendance est encore plus préoccupante, car elle incarne une dimension du phénomène qu’on l’on ne maîtrise aucunement. On ne sait pas comment ces natifs peuvent se créer leurs repères sociaux et leurs éléments de stabilité», décrit le spécialiste.





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