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Cadi Ayyad, un érudit «assassiné» par les Almohades


Avant de devenir l’un des Sept Saints de Marrakech, le parcours de Cadi Ayyad, de son nom Abou El Fadl Iyad Ben Moussa Al Yahsobi, sera marqué par plusieurs événements. D’un étudiant exemplaire qui s’intéresse de près au courant et à la science islamique, à un célèbre juge à Ceuta puis à Grenade, le saint inhumé à Marrakech au XIIe siècle s’intéressera aussi à la politique puisqu’il mènera la vie dure aux premiers dirigeants de la dynastie des Almohades.

Un savant dans la cour des érudits de l’Occident musulman

Abou Al Fadl Ayyad est né à Ceuta au milieu du mois de Shaabane de l’an 476 de l’hégire, soit en 1083. Ayant «vécu dans la chasteté et la probité et jouissant des plus nobles caractères, loué pour ses actes et ses paroles», il était «réputé pour sa noblesse, son intelligence et son habilité».

Selon une traduction de son livre «Al Shifaa Bi Taarif Hoqouq Al Mustafa» (Déclaration parfaite des obligations de vénération envers l’Elu prophète, Editions Dar Al Kotb Al Ilmiyah, 2010), l’érudit a «étudié le savoir avec attachement et beaucoup d’application en bénéficiant de l’estime des grands maîtres parmi ceux qui possèdent le savoir et en les fréquentant assidûment». Il excelle à son époque, surpasse l’ensemble de ses pairs et atteint, dans les disciplines du savoir, la maîtrise qu’on lui connaît. Spécialiste du coran qu’il a étudié avec ses sept diverses lectures, Cadi Ayyad profitera surtout du fait que Ceuta était à son époque une «cité de la science» qui attirait érudits, savant et étudiants du monde entier.

«Son propre maître Abou Mohammed Ben Attab dit en parlant de lui: « Quand j’ai constaté les qualités qui ornaient Al Fakih Abou Al Fadl, notamment sa droiture, sa vertu, sa bonté, sa piété, son intelligence, son savoir et l’étendue de ses connaissances dans les diverses disciplines de la science, je l’ai autorisé à enseigner tout ce que je lui avais transmis comme traditions ».»

Préambule du livre traduisant l’œuvre «Ashifaa» de Cadi Ayyad

Caddi Ayyad était aussi «de doctrine ashaarite sur le plan du dogme, comme la plupart des maîtres malékites dans sa cité natale et dans le reste de l’Occident musulman». D’ailleurs, Cadi Ayyad est surtout «doublement affilié à l’imam Malek» : non seulement pas son appartenance à l’école malékite mais également par des liens de sang.

Un érudit opposé aux Almohades

Après ses études à Ceuta, l’érudit ne se contente pas d’y rester. A l’instar des étudiants et des jeunes, il part aussi à Al Andalus pour «parfaire ses connaissances et s’assurer de la validité de la méthode de transmission des traditions et de sa perfection chez lui». L’occasion de fréquenter l’incontournable Ibn Rochd de Cordoue, alias Averroès ou encore Ibn Sirady, comme le rapporte Miguel J. Portillo dans «Marrakech y sus alrededores» (Editions Editorial Kairós, 1994).

C'est à Tinmel (au sud de Marrakech) qu'Ibn Toumert fondera la dynastie des Almohades. / Ph. DR C’est à Tinmel (au sud de Marrakech) qu’Ibn Toumert fondera la dynastie des Almohades. / Ph. DR

De retour à Ceuta, Cadi Ayyad devient juge vers 1121 et conservera ce poste pendant 16 ans. Il devient aussi brièvement Cadi de Grenade avant de revenir une fois de plus à sa ville natale. On lui doit notamment plusieurs ouvrages comme «Tadrib Al Madarik», «Madahib Al Hokkam fi Nawazil an Ahkam» ou encore «Machariq Al Anouar Ala Sihah Al Athar».

Né durant l’âge d’or de la dynastie des Almoravides, Cadi Ayyad sera témoin du déclin des rois venus du Sahara et la montée des Almohades. Ainsi, vers l’an 1118, Mohamed Ibn Toumert alias Al-Mahdi (le Messie) lance son appel de guerre contre les Almoravides depuis le château de Tinmel en comptant sur le soutien de certains membres des tribus masmoudiennes du Haut Atlas. Le fondateur de la dynastie des Almohades prône alors certaines croyances chiites, comme l’imamat et l’infaillibilité, ce qui ne manquera pas d’irriter les savants marocains, dont Cadi Ayyad.

Après la mort d’Ibn Toumert, son disciple Abdelmoumen Ben Ali Al Koumi, un Amazigh zénète, reprend le flambeau. Mais il fera face à la résistance de Ceuta et de ses érudits et à leur tête Cadi Ayyad, raconte-t-on dans le numéro 100 de la revue mensuelle «Daaouat Al Haq» éditée par le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Mais alors que les villes marocaines almoravides cédaient, l’une après l’autre, devant l’armée des Almohades, Ceuta ne tardera pas à tomber. Cadi Ayyad et les habitants de la ville présentent alors leur allégeance au nouveau sultan. «L’érudit se rend alors à Salé, capitale d’Abdelmoumen Ben Ali pour lui présenter son allégeance en personne», poursuit-on de même source.

Mausolée de Cadi Ayyad à Marrakech. / Ph. DRMausolée de Cadi Ayyad à Marrakech. / Ph. DR

Différentes versions concernant sa mort à Marrakech

Seulement, une fois l’Etat almohade face à sa première crise, Ceuta et ses habitants se révoltent à nouveau. Une rébellion avortée par Abdelmoumen Ben Ali qui décide, cette fois, de reprendre la ville, détruire ses murailles et exiler son érudit à Tadla puis à Marrakech.

C’est à ce moment que les versions de l’histoire divergent, entre notamment ceux qui affirment que l’un des sept saints de Marrakech était presque un prisonnier et d’autres qui décrivent son séjour à Marrakech et ses derniers jours comme paisibles. Selon la première version, exposée par Al Bachir Ali Hamed Tourabi dans «Cadi Ayyad» (Edition Dar Ibn Hazm, 1998), l’érudit serait tombé malade à l’extérieur de la ville avant d’être transporté à Marrakech où il serait mort après huit jours.

Cette version est même confirmée par son fils Mohamed Ben Ayyad, sauf que le récit de ce dernier est critiqué par plusieurs auteurs qui reprochent au fils de s’être aligné sur les versions de l’Etat des Almohades, indique-t-on dans «Daaouat Al Haq». Quant aux trois autres versions, l’une d’elle indique que l’érudit né à Ceuta aurait trouvé la mort dans un bain, alors que l’autre dit qu’il serait mort empoisonné par un juif. La quatrième avance clairement qu’il aurait été «assassiné» par les Almohades. 

Mais une chose est sûre : mort en 1149 et inhumé près de Bab Aïlen à Marrakech, sa tombe ne sera aménagée et reconnue comme celle d’un érudit de renom que par la dynastie des Mérinides.





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