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Ben Arafa, le sultan interdit d’inhumation au Maroc par Hassan II


Après le choix du sultan Mohammed Ben Youssef, au début des années 1950, de s’aligner sur la position du mouvement national et d’exiger des autorités françaises de mettre fin au protectorat, la France commençait à songer à s’en débarrasser. Elle fait ainsi appel à l’un de ses hommes des plus fidèles et influent : le Pacha Thami Glaoui.

Ce dernier publie une déclaration, signée par 270 Pachas et caïds qui soutiennent la France et appellent à la destitution du sultan. «Nous, les pachas et caïds, signataires de cet appel sous la direction du Pacha Thami Glaoui, s’adressons au Résident général de l’Etat français», écrivent-ils, selon l’ouvrage «L’histoire politique du Grand Maghreb», d’Abdelkrim Filali.

Les pachas et caïds estiment alors que «le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef s’est éloigné de la voie des savants marocains et a suivi une voie contraire aux règles religieuses en adhérant aux partis extrémistes non reconnus». Pour eux, «le Maroc va à la dérive». «Nous, en tant que dignitaires, appelant le Résident général et l’Etat français à destituer le sultan et confier cette mission à celui qui la mérite», concluent-ils.

La déclaration reçoit même l’approbation d’un grand nombre d’hommes religieux, notamment le cheikh Abdelhay Kettani. Le 13 août 1953, les autorités du Protectorat destituent le sultan Mohammed Ben Youssef puis l’exilent vers la Corse, une semaine plus tard.

Un alaouite pour remplacer Mohammed Ben Youssef

Le 21 août 1953, la France coloniale choisit Mohammed Ben Arafa, né en 1886, pour succéder à Mohammed Ben Youssef. Il est le fils de Moulay Arafa, lui-même fils du sultan Sidi Mohammed Ben Abderrahmane, dit Mohammed IV. Etant le neveu du sultan Moulay Hassan Ben Mohammed, dit Hassan 1er, Ben Arafa est le cousin des sultans Moulay Abdelaziz, Moulay Abdelhafid et Moulay Youssef.

Ben Arafa et le Résident général Augustin Guillaume. / Ph. DRBen Arafa et le Résident général Augustin Guillaume. / Ph. DR

Mais alors que plusieurs fqihs de l’époque se sont empressés de prêter allégeance à Mohammed Ben Arafa, le cheikh Mohamed Belarbi Alaoui fera un prêche, autorisant l’assassinat du «nouveau sultan». Il se basera sur un hadith selon lequel «en cas d’allégeances prêtées à deux sultans, il faudrait tuer le plus nouveau».

Moins d’un mois seulement après cette fatwa, soit le vendredi 11 septembre 1953, Allal Ben Abdellah visera le cortège du «Sultan des Français», lors de la première sortie de ce dernier depuis son intronisation par la France coloniale. Mohammed Ben Arafa se dirigeait vers la mosquée Ahl Fès pour la prière du vendredi.

Il échappe ensuite à une deuxième tentative d’assassinat. Attendu en visite officielle dans la ville ocre, il sera visé cette fois par une grenade, en pleine prière du vendredi à la mosquée Berrima.

L’éviction du sultan Mohammed Ben Youssef et la désignation de Mohammed Ben Arafa pour lui succéder sera même suivie par plusieurs opérations de la résistance nationale. Le 24 décembre, une bombe explose au marché central de Casablanca faisant 18 morts et 40 blessés parmi les Européens. Dès l’année 1954, la résistance multiplie ses opérations, visant d’abord Thami El-Glaoui, Pâcha de Marrakech, dans la mosquée Koutoubia à Marrakech le 20 février, puis le résident général Augustin Guillaume, le 24 mai.

Mohammed Ben Arafa, blessé après l'explosion d'une bombe à la mosquée Berrima de Marrakech. / Ph. INAMohammed Ben Arafa, blessé après l’explosion d’une bombe à la mosquée Berrima de Marrakech. / Ph. INA

Jusqu’à octobre 1955, Mohammed Ben Arafa continua de faire semblant de gouverner, car les prérogatives étaient exercées par les autorités coloniales. Mais celles-ci seront obligées de ne plus faire appel à ses services, notamment à cause des nombreuses manifestations réclamant le retour du sultan légitime au pays. Le 16 novembre 1955, Mohammed Ben Youssef rentre dans le pays qui dispose, dès décembre 1955 d’un premier gouvernement conduit par M’Barek Bekkay. Ce dernier poursuit alors les négociations avec la France pour l’indépendance du Maroc.

Inhumé deux fois, à Nice et à Fès

Pour sa part, Mohamed Ben Arafa quitte Rabat pour Tanger, alors ville internationale, après avoir abdiqué le 1er octobre 1955. Selon une lettre rédigée par l’écrivain américain William Burroughs, qui était établi à Tanger, Ben Arafa résidera dans une villa appelé «Al Mouniriya». «Le 13 décembre 1955, un jour pluvieux, des hommes armés s’étaient rendus sur place, avaient examiné la villa puis l’avaient déclaré à vendre. Ils avaient affirmé qu’elle serait achetée par l’homme au Selham noir, qui est l’ancien sultan du Maroc, Mohammed Ben Arafa», poursuit-il.

Cependant, des mois plus tard, le sultan déchu se voit contraint de quitter la ville du Détroit que le Maroc venait de récupérer le 29 octobre 1956. Il se rend ainsi dans la ville de Nice, en France.

Malgré les tentatives des autorités françaises d’intervenir auprès du roi Hassan II pour que Ben Arafa soit pardonné, le souverain avait campé sur ses positions quant au refus d’autoriser au «sultan des Français» de rentrer au Maroc. Toutefois, Hassan II autorisera à la famille de Ben Arafa, notamment ses filles, de rester au Maroc et résider au Palais royal.

Mohammed Ben Arafa décède à Nice, le 17 juillet 1976, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Le roi Hassan rejettera à nouveau la proposition de sa famille de l’enterrer au Maroc. Il aurait dit à ceux lui ayant fourni cette demande que même s’il l’accepte, «la terre marocaine refusera». Celui qui a remplacé Mohammed Ben Youssef pendant deux ans est alors inhumé en France.

Dix ans plus tard, Hassan II finit par accepter à ce que la dépouille de Mohammed Ben Arafa soit transférée à Fès, au Maroc. Le «sultan des Français» est alors inhumé dans une tombe inconnue qui ne porte aucun nom ni titre dans l’ancien cimetière de Bab al-Makina de la capitale spirituelle. Une mission confiée au bras droit et homme de confiance de Hassan II, Driss Basri et qui se déroulera loin des regards de la presse et des Marocains.





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