Une partie de la presse marocaine est catégorique : l’arrivée probable du Rassemblement national au gouvernement en France constitue une bonne nouvelle pour le Maroc, surtout sur la question du Sahara. Leurs arguments s’appuient sur les analyses de courtisans de l’extrême droite tels que Bernard Lugan, historien nostalgique de la colonisation française, ou Aymeric Chauprade, ancien eurodéputé FN qui malgré son islamophobie a été lâché par Marine Le Pen. Mais aussi sur les déclarations répétées d’Eric Ciotti en faveur d’une éventuelle reconnaissance de la marocanité du Sahara.
Si rien ne garantit un changement de position sur ce dossier d’une France dirigée par l’extrême droite, ces médias marocains enthousiastes passent sous silence les contreparties de ce «cadeau» pour le Maroc. Pour paraphraser Alexandre Dumas, entre nations, il n’y a pas de sentiments mais que des intérêts. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les dirigeants du RN -notamment le candidat à Matignon-, sont clairs et déterminés quant à leurs exigences face aux pays d’où sont originaires les immigrés en France.
En septembre 2021, le président Macron n’avait pas hésité a réduire de 50% les visas pour les Marocains en représailles «au manque de volonté» par Rabat de récupérer les migrants marocains en situation irrégulière. Une mesure qui avait rendu les relations diplomatiques glaciales mais qui avait surtout profondément choqué les Marocains, sanctionnés individuellement pour un problème entre les deux gouvernements.
Le Maroc doit reprendre ses «indésirables» ou bien c’est la sanction financière
Jordan Bardella est allé plus loin en novembre 2021. Sur CNews, en promenade avec Jean Luc Morandini, condamné pour harcèlement sexuel et corruption de mineurs, le leader du RN réclame en plus de l’arrêt pur et simple de l’octroi des visas, mais égalemment une coupe nette de l’aide au développement aux pays du Maghreb qui refusent de reprendre leurs nationaux. Rappelons que le Maroc est le premier pays bénéficiaire des fonds de l’Agence française de développement (AFD), avec une exposition de 3,7 milliards de dollars à fin 2021. Mais ce n’est pas tout, Jordan Bardella veut aussi frapper dans les intérêts financiers du Maroc en menaçant de bloquer les transferts d’argent des Marocains de France si le Royaume rechigne à reprendre ses «indésirables» (sic).
Tant que les pays du Maghreb continueront de rechigner à reprendre leurs indésirables, nous devons couper l’aide au développement, les transferts de fonds privés et les visas. C’est une question de rapport de force, la France doit se faire respecter !#FaceÀLaRue pic.twitter.com/696PcNWDCf
— Jordan Bardella (@J_Bardella) November 24, 2021
N’est-il pas naïf de croire qu’un gouvernement autoritaire d’extrême droite en France s’alignera sur les intérêts du Maroc sans une importante contrepartie ? Nul besoin d’être devin pour comprendre qu’un gouvernement RN élu sur la haine de l’étranger, s’appliquera à expulser les migrants clandestins, les migrants réguliers ayant perdu leur emploi, ou menacer d’exclusion des binationaux de la fonction publique et entreprises chargé d’une mission de service public.
Face à la brutalité d’une politique d’extrême droite autoritaire hostile aux Marocains de France, le Maroc aura à subir les conséquences politiques, sociales mais aussi économiques et financières. Les médias marocains qui ont la faiblesse de boire les paroles intéressées de deux «has been» de l’extrême droite qui nous caresse dans le sens du poil pour mieux vendre leurs livres obséquieux sur la monarchie ou le Sahara, n’ont pas saisi la centralité des rapports de force en politique internationale. Jordan Bardella a été pourtant clair en direction des pays du Maghreb et donc du Maroc : «C’est une question de rapport de force, la France doit se faire respecter !»