Le Maroc «ne satisfait pas pleinement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais déploie des efforts significatifs pour y parvenir». Selon le rapport du Département d’État américain sur la traite des personnes, le pays reste au niveau 2, bien qu’il ait montré des progrès sur une année.
Sur le plan judiciaire, le Maroc a renforcé l’application son dispositif contre la traite. En effet, la loi 27.14 criminalise l’exploitation sexuelle et le travail forcé, passibles de peines de 5 à 10 ans de prison et de lourdes amendes. Si les victimes sont mineures, les peines peuvent aller jusqu’à 30 ans. Des mesures jugées «suffisamment sévères» et comparables à celles pour le viol, selon le rapport.
En 2024, les autorités marocaines ont enquêté sur 204 suspects dans ces crimes, contre 119 l’année précédente. Elles ont engagé 213 poursuites, principalement pour traite sexuelle, contre 171 en 2023. Cependant, les tribunaux ont condamné 60 mis en cause, contre 82 avant, dont 53 pour traite sexuelle. Le rapport a également souligné des avancées avec des procureurs spécialisés désormais opérationnels dans les 22 cours d’appel. Pourtant, «les agents de première ligne se confrontent à un manque de compréhension de la traite», ce qui impacte l’identification de ces cas et les enquêtes à mener.
Efforts de protection et de prévention
En termes de protection, le gouvernement a identifié 452 victimes potentielles en 2024, dont 229 avérées, soit plus de 169 par rapport à 2023. Les concernés ont reçu une assistance médicale, psychosociale et juridique, tandis que les refuges ont été élargis avec le soutien des ONG. Cependant, les association signalent que «la faible identification proactive et la sous-utilisation des refuges disponibles ont entravé les efforts de protection».
Le rapport souligne également l’ouverture du premier refuge spécialisé du Maroc, basé à Tanger, outre l’achèvement d’un second à Fès, où il n’est pas encore opérationnel. Les services existent principalement pour les femmes et les enfants, avec un accès limité pour les hommes. Les tribunaux ont également ordonné des compensations pour 23 victimes en 2024.
Pour la prévention, le rapport a noté que la Commission nationale de lutte contre la traite s’est réunie cinq fois. Pour sa part, la société civile a averti du manque de ressources et de personnel. Toujours est-il que le Maroc a continué à mettre en œuvre sa stratégie nationale 2023-2030, avec des campagnes de sensibilisation, des lignes d’assistance téléphonique et des formations pour les forces de l’ordre et les diplomates. La ligne d’assistance reste cependant «périodiquement inactive». Quant aux mesures de réduction de la demande pour la traite sexuelle, elles restent limitées.
Enfin, le rapport a dressé un profil général de la traite au Maroc, où elle touche à la fois les Marocains et les migrants. Les enfants sont exploités dans le travail domestique, la mendicité forcée et la traite sexuelle, les communautés rurales étant de plus en plus vulnérables en raison de la sécheresse. Les migrants, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne, font face à des risques accrus d’exploitation dans le travail de maison et dans la traite sexuelle. Selon les ONG, 90% des victimes identifiées en 2024 sont des femmes ivoiriennes.
De leur côté, les travailleurs marocains à l’étranger, notamment en Europe et dans les pays du Golfe, sont soumis au travail forcé et à l’exploitation sexuelle, tandis que certains sont recrutés sous des motifs erronés pour des emplois en Asie du Sud-Est. Ils sont ensuite contraints à effectuer des tâches abusifs ou des opérations d’escroquerie.
Recommandations
Le rapport comprend une série de recommandations pour que le Maroc intensifie ses efforts contre la traite des êtres humains. Il préconise un renforcement des mécanismes d’identification et de renvoi des victimes, en établissant des procédures opérationnelles standard (SOP) pour examiner de manière proactive les populations vulnérables, y compris les migrants sans papiers.
Le rapport recommande aussi de mettre en œuvre pleinement le Mécanisme national de renvoi (NRM). Les responsables judiciaires et des forces de l’ordre, la société civile et d’autres acteurs de la protection devraient également être formés à appliquer ces outils efficacement.
En outre, le rapport a appelé à renforcer la capacité des agents de première ligne à distinguer les cas de traite des cas de trafic de migrants, pour garantir que les victimes soient efficacement orientées vers les refuges, les services psychosociaux et l’aide juridique. Pour sa part, la coopération avec la société civile dans l’identification des victimes et le développement des politiques gagnerait à être élargie.
Pour améliorer la protection, le rapport a recommandé d’étendre les services spécialisés tels que les refuges, les soins psychosociaux, l’assistance juridique et le soutien au rapatriement. Il a également souligné la nécessité de renforcer les partenariats avec les ONG et d’augmenter le soutien gouvernemental aux entités fournissant ces services.
Au niveau institutionnel, le rapport a exhorté le Maroc à allouer plus de ressources humaines et matérielles à la Commission nationale de lutte contre la traite, afin de lui permettre de remplir efficacement son rôle de coordination.
Pour la responsabilité, le Maroc a été appelé à intensifier les enquêtes et les poursuites dans les cas de traite, y compris ceux impliquant des responsables complices. Il devrait aussi imposer des peines de prison significatives aux trafiquants condamnés. Dans le même temps, les autorités devraient veiller à ce que les victimes ne soient pas pénalisées pour des actes illégaux commis en tant que conséquence directe de leur traite, comme ceux liés à la prostitution ou à l’immigration.
Enfin, le rapport a appelé à une amélioration de la collecte de données par les forces de l’ordre, pour garantir des rapports précis et des distinctions claires entre les crimes de traite et le trafic de migrants.