Méfiez-vous de la personne dont vous tombez amoureux, ou de celle qui visite votre chambre la nuit, pendant votre sommeil. Il peut s’agir d’une fée, d’un ange maudit ou peut-être de Tanirt, la belle créature qui a un faible pour les humains.
Si vous vous réveillez en parlant aux présents, mais en trouvant une tache de henné sur votre main, cela signifie que Tanirt vous a choisi, ce qui est loin d’être un bon signe. Le mythe populaire véhicule cette histoire, selon laquelle la vie de l’être désigné par cette créature va se transformer en enfer. Tout commencera par un enchantement, puis viendra l’arrachement de la famille et des proches.
Les aïeux ont entretenu ce mythe à travers le conte de Hammou Ounamir, un jeune homme séduisant dont la beauté a captivé la mauvaise personne. Ounamir, fils unique de sa mère veuve, est un Amhdar (Tamazight), étudiant inscrit dans une medersa coranique.
Chaque nuit, il s’est réveillé avec une tache de henné sur la main. Pendant la journée, à l’école, il a été moqué par ses camarades et même réprimandé par le taleb ou fqih, son professeur à la medersa. Gêné par le tatouage, utilisé plus pour les filles, il a décidé de percer le mystère. Conseillé par son taleb, il a fait semblant de dormir pour découvrir qui marquait ses mains chaque nuit. Mais il l’a finalement regretté, en découvrant que c’était Tanirt qui venait à son chevet, étant profondément amoureuse de lui.
Amoureux d’une fée, condamné à mort
Mais leur amour est interdit. Pour épouser cette créature d’un autre monde, Ounamir a dû suivre des règles strictes : aucun humain, hormis lui, ne devrait poser les yeux sur elle, pas même sa mère.
Enchanté par cet amour, Ounamir accepte de cacher la créature céleste dans une pièce fermée, une «demeure imprenable». Mais sa mère trouve la clé, ouvre la pièce et découvre Tanirt, qui s’enfuit au septième ciel pour vivre parmi ses semblables.
Ounamir a dévasté, face à son secret révélé au grand jour. Son amante est partie, mais il a été déterminé à la retrouver. Il a pris alors son cheval et l’a égorgé pour nourrir «Iguider», l’aigle magique qui l’emmènerait dans un voyage de plusieurs années jusqu’au septième ciel.
Au cours de leur ascension, Ounamir a nourri l’oiseau de morceaux de la chair de son cheval. Se trouvant ensuite à court de viande, il a donné de sa propre chair pour continuer le voyage.
Au septième ciel, Ounamir a enfin retrouvé Tanirt. Mais cette dernière lui a posé une nouvelle condition : pour rester avec elle, il ne devrait jamais soulever une pierre de la dalle. Autrement, il serait condamné à vivre loin de sa mère, sans aucun contact humain. Ounamir accepte.
Mais il y a toujours un «mais». Condamné à la solitude, même au paradis, Ounamir se sent de plus en plus nostalgique du jour de l’Aïd al-Adha et sa mère lui manque tellement. Il s’aventure alors à soulever la dalle séparant le monde des fées de celui des humains. Ce qu’il a vu aura été choquant : sa mère, aveuglée par les pleurs de la perte de son enfant unique, tient un bélier, sans personne pour faire le sacrifice, car le seul homme de sa famille, Ounamir, était bloqué au paradis.
Attristé par cette vision, Ounamir fait un bond, mais seules deux gouttes de son sang parviennent à la terre : l’un a rendu la vue à sa mère, mais l’autre a immolé le bélier.
Ce conte a longtemps raconté ce à quoi l’amour peut pousser. D’abord, Ounamir a quitté sa mère pour vivre avec sa fiancée, un être céleste. Ensuite, il a sacrifié sa vie pour consoler sa mère et sécher ses larmes. En véhiculant ce mythe populaire, les aïeux ont voulu attirer l’attention sur qui l’on aime et à quel prix