Après avoir fait l’impasse dans son document politique, publié en février 2024, sur son opposition à la monarchie héréditaire au Maroc, Al Adl wal Ihsane opère un retour à la ligne tracée par son fondateur, Cheikh Abdeslam Yassine. «Le pouvoir héréditaire ne peut constituer une base à une solution globale parce qu’il contrevient à la volonté populaire», a affirmé dans des déclarations à la presse Omar Amkassou, membre du conseil de la guidance d’AWI.
Pour appuyer ses dires, ce haut cadre d’AWI a dressé un réquisitoire contre les régimes monarchiques ayant gouverné dans les pays islamiques. «Ils se sont accaparé le pouvoir et la richesse et ont pratiqué toutes les formes d’injustice contre leur peuple», a-t-il estimé. Amkassou a ponctué ses déclarations par des rappels des positions de l’«imam» (Abdeslam Yassine) sur le même sujet.
AWI souffle le chaud et le froid
«La position exprimée par Omar Amkassou sur la question du pouvoir héréditaire est un message adressé à l’État, après celui de la feuille de route de février 2024», note dans des déclarations à Yabiladi Driss Ganbouri, spécialiste des groupes islamistes.
«Par ce retour aux sources, Al Adl wal Ihsane tente de lever la barre de ses revendications un peu plus haut, un an après avoir fait l’impasse sur le sujet. C’est une tactique destinée à amener l’État à dialoguer avec ses représentants. Les mouvements d’opposition, qu’ils soient de gauche ou islamistes, empruntent tous cette voie afin d’arracher quelques concessions», a analysé l’auteur du livre «La réforme religieuse et l’occidentalisation de l’islam».
«La Jamaa est dans l’opposition depuis cinq décennies. Elle ne peut occuper éternellement ce poste. Toute force politique a pour objectif de s’accaparer le pouvoir ou du moins de le partager. Al Adl wal Ihsane ne fait pas exception, même si au Maroc, le PJD d’Abdelilah Benkirane reste l’interlocuteur islamiste idéal pour l’État», a-t-il souligné.
Si la Jamaa est revenue à son opposition traditionnelle au pouvoir monarchique héréditaire, elle s’est faite le grand avocat de la défense de l’intégrité territoriale du Maroc. «C’est une ligne rouge qui ne peut faire l’objet de négociation», a martelé Omar Amkassou. «Cette déclaration est un autre message du mouvement adressé à l’État. Les islamistes, au même titre que les autres forces politiques, ont toujours soufflé le chaud et le froid sur certains sujets, et ce à des fins politiques», précise Driss El Ganbouri.
En témoignent les déclarations du vice-secrétaire général, porte-parole de la Jamaa, Fathallah Arsalane, faites le même jour, sur la réforme du code de la famille. «Nous n’avons pas d’objection sur les conventions internationales relatives à la famille à condition qu’elles ne contreviennent pas aux fondements» religieux, a annoncé le n°2 d’AWI. Il s’est dit en faveur du principe de l’«Ijtihad».
Le 24 décembre 2024, lors de la séance de travail consacrée à la question de la révision du Code de la famille, le roi Mohammed VI a appelé «le Conseil supérieur des Oulémas à poursuivre la réflexion et à adopter l’Ijtihad constructif sur la question de la famille».