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Ahmed Boukmakh, la référence de l’enseignement primaire au Maroc


Lors de chaque polémique autour de la réforme de l’enseignement, surtout primaire, son nom apparaît sans qu’il soit connu par plusieurs jeunes de l’actuelle génération.

Pourtant, le nom d’Ahmed Boukmakh est connu par la majorité des Marocains ayant été élèves dans l’école publique marocaine dès les premières années de l’Indépendance ou encore durant les années 70. Professeur d’enseignement primaire éclairé et innovant, pédagogue exceptionnel, plusieurs générations lui doivent encore des manuels d’enseignement primaire de qualité, transmis de génération en génération.

De l’école coranique de la grande mosquée à l’enseignement

En 2004, la chaîne 2M lui avait consacré un portrait dans l’émission Nostalgia, présentée par Rachid Nini alors qu’en 2013, Hespress et Al Itihad Al Ichtiraki lui avaient accordé des portraits posthumes pour rendre hommage à celui qui a marqué par ses histoires l’imaginaire de plusieurs générations d’élèves.

Ahmed Boukmakh serait né à Tanger dans les années 1920, soit en pleine guerre du Rif, comme s’en souvient son frère Abdelilah. Sa mère décèdera alors qu’il n’a que huit ans, le condamnant à passer une enfance difficle. Il travaillera très jeune dans la boutique de son père, où la famille vendait en plus des denrées et produits de consommation, des livres et des romans. La personnalité du jeune Boukmakh est alors façonnée par le mariage fait entre le travail et la lecture. Sa sœur confiera, des années plus tard, qu’Ahmed étudiera aussi à l’école coranique de la grande mosquée de la ville du Détroit. Plusieurs années plus tard, son cursus scolaire se terminera et Ahmed Boukmakh deviendra enseignant dans la même école où il étudiait.

A 18 ans, l’auteur de «Iqrae» deviendra aussi un membre actif du Parti de la Choura et de l’Istiqlal (PCI). Son père sera par la suite emprisonné à Rabat à cause du militantisme de son fils, après que les autorités coloniales eurent trouvé des pancartes appelant à l’indépendance du Maroc dans la boutique de la famille. Durant cette période bouleversante, Ahmed deviendra aussi responsable de sa famille, en subvenant aux besoins de ses petits frères et en gérant la boutique.

Iqrae en cinq manuels pour l’apprentissage de l’arabe à l’école

C’est durant cette même période qu’Ahmed Boukmakh commencera ses premiers essais dans l’écriture de pièces théâtrales. Dans les années 1940, alors qu’il était élève chez Abdellah Guennoun, l’un des plus grands érudits marocains du 20e siècle, Ahmed écrivait ses premières pièces théâtrales, inspirées des grands œuvres de Shakespeare et Molière.

Suite au kidnapping de l’un de ses amis, les problèmes que connaissait le parti ainsi que son mariage, Ahmed Boukmakh mettra fin à son engagement politique, ce qui lui accordera beaucoup de temps à consacrer à l’édition et à la rédaction de livres, sous la supervision d’Abdellah Guennoun. Inspirée des histoires en français, en espagnol et en chinois, l’idée était de mettre en place un manuel scolaire en langue arabe, facile à enseigner pour les élèves de sa classe. Les manuels existants étant tous en langue française à l’époque.

Ce manuel, dont la première édition fut imprimée en 1954, deviendra la base pour l’enseignement dans l’école à Tanger, puis dans toute la ville avant de devenir la référence au Maroc. 

«Sa collection Iqrae était formée de cinq manuels pour cinq ans d’apprentissage, à l’issue desquels l’élève décrochait la fameuse Chahada et gagnait la reconnaissance de ses proches et peut-être même un [emploi] dans la fonction publique», indiquait le lancement de l’émission Nostalgia, repris par un message sur le forum de Yabiladi. «Pratiques, ces manuels, très appréciés par ceux qui suivent des cours d’alphabétisation, sont encore imprimés aujourd’hui». 

Histoires passionnantes, dessins et images

Alors que le Maroc importait des manuels d’Egypte et du Liban, Iqrae et la Tilawa étaient devenus la base de l’enseignement primaire pour plusieurs générations jusqu’aux années 1980. Avec de nouvelles éditions imprimées en 1956, 1957 puis 1958, ils étaient basés sur des phrases courtes et concises et beaucoup d’images et de dessins faciles à retenir. Ahmed Boukmakh souhaitait aussi mettre un seul manuel pour chaque niveau, avec plusieurs matières comme l’apprentissage de la langue, l’écriture et le Coran.

Depuis son bureau, situé dans sa maison, Ahmed Boukmakh a innové pour perfectionner ses manuels scolaires, en publiant, quelques années plus tard, «Al Fossha», composé de cinq tomes, «Mathématique» puis «Al Qira’a» pour la lecture. Des manuels mariant histoires passionnantes, dessins et images pour stimuler la curiosité des élèves et renforcer leurs mémoires visuelles. Ahmed Boukmakh collaborait avec plusieurs intellectuels marocains, dont l’artiste peintre Ahmed Chabâa et le caricaturiste Ahmed Chentouf.

Bien que ses manuels ont été remplacés par d’autres livres d’apprentissage dès les années 1980, de nouvelles éditions, notamment de la série «Iqrae» étaient toujours imprimées jusqu’en 2013 et peut-être même jusqu’à aujourd’hui.

On lui doit plusieurs histoires, inspirées d’outre-mer, mais que les élèves des années 1960, 1970 et 1980, de moins en moins nombreux, gardent toujours en mémoire comme s’ils les avaient appris hier. Le nom du Tangerois derrière «Iqrae» avait réussi à conquérir les maisons des Marocains tout comme les cœurs et les mémoires des petits élèves durant plusieurs décennies, qu’on qualifie aujourd’hui d’années de gloire de l’école marocaine publique.





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