La carrière Ahl Loughlam était anciennement appelée carrière Deprez. Elle porte désormais le nom de la commune dont elle dépend, dans la préfecture de Sidi Bernoussi au nord de Casablanca, sur la route de Tit Mellil. «Ahl Loughlam se situe dans l’ancienne décharge de Casablanca», déclare à Yabiladi Abderrahim Mohib, archéologue, chercheur en préhistoire, et conservateur principal des monuments et sites.
Comme Sidi Abderrahmane et la carrière Thomas 1, le lieu était exploité pour extraire la pierre utilisée pour la construction, puis est devenu désaffecté.
Le gisement paléontologique d’Ahl Loughlam date de la fin du Pliocène, à 108 mètres au-dessus de la mer, le site est un paléo rivage ancien, où «il n’y a pas de présence d’outils taillés par l’Homme, mais une forte présence de fossiles d’animaux», ajoute le scientifique.
Fabuleux bestiaire
Dès 1985, dans le cadre du programme préhistoire de Casablanca, co-dirigé par Abderrahim Mohib et David Lefèbre, les recherches ont repris dans cette zone. «On a découvert des fissures, des sortes de grottes dans la falaise de cette carrière. C’est un niveau fossilifère exceptionnel en Afrique du nord, les restes ramassés sont très abondants, très diversifiés», précise le préhistorien.
Pendant une trentaine d’années les scientifiques font diverses découvertes qui démontrent l’importance de ce gisement archéologique. Au niveau paléoanthropologique, jusqu’à aujourd’hui «aucune trace de reste d’hominidé n’a été trouvée dans ce site-là. Le gisement a connu la présence d’animaux avant l’arrivée de l’Homme au Maghreb», confie l’archéologue.
«Durant la même période, des niveaux similaires en Afrique de l’Est (Ethiopie/Kenya/Tanzanie) et Afrique du Sud, ont livré des restes d’australopithèques. Nous avons un gisement au Maghreb, à Casablanca qui livre à peu près 80 espèces d’animaux, entre vertébrés, mammifères, oiseaux, carnivores.»
Ces restes d’animaux datent de 2,5 millions d’années. «C’est un fabuleux bestiaire», s’exclame le scientifique. «Avec mon collègue paléontologue Denis Gérard, nous considérons cette faune de vertébrés comme la plus riche en Afrique du Nord. Tous les groupes d’animaux sont représentés, les poissons, les reptiles, les antilopes, les rongeurs, etc. Les grands prédateurs ont joué un rôle important dans la formation de ce site», s’enflamme Abderrahim Mohib.
Le gisement archéologique d’Ahl Loughlam est devenu une décharge à ciel ouvert. / Ph. A. Mohib
Une décharge à ciel ouvert
Depuis 2004, les fouilles ont été arrêtées, et pour cause «c’est devenu une décharge», se désole le préhistorien.
«Le site se trouve dans un état de conservation très critique, entièrement envahi par des déchets et ordures de tout types. Les eaux usées sont évacuées directement sur la falaise comprenant les fissures archéologiques. L’accès à ces dernières devient donc impossible», s’alarme l’archéologue.
De plus Ahl Loughlam est «exposé à des fouilles clandestines et la perte de témoignages relatifs à l’environnement animal en plus d’être encerclé et envahi par les remblais».
Vue générale du site d’Ahl Loughlam. / Ph. A. Mohib
Le site archéologique d’Ahl Loughlam est en perdition, des mesures peuvent être entreprises pour sa sauvegarde. «Il faut un nettoyage général, un dégagement des remblais et une déviation des eaux usées ainsi que la mise en place d’une clôture où on trouve les restes fossiles», énumère Abderrahim Mohib. Il avance aussi que le gisement archéologique a besoin d’un panneau explicatif, une classification au niveau national et la construction d’un petit musée.
«Je demande une intervention urgente de l’Etat marocain concernant les quatre sites majeurs de Casablanca: Sidi Abderrahmane, la carrière Thomas 1, Ahl Loughlam et la carrière des Rhinocéros.»
Vue de la porte volée qui protégeait des restes de fossiles. / Ph. A.Mohib