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Abu-l-Ala al-Maari, le poète végétarien «otage des deux prisons»

Abu-l-Ala al-Maari, le poète végétarien «otage des deux prisons»


Les dernières volontés d’Abu-l-Ala al-Maari étaient que son épitaphe porte un extrait de ses poèmes, dans lequel il exprimait ses regrets d’avoir été mis au monde par ses parents. Ce philosophe et poète arabe, de son vrai nom Ahmed bin ‘Abū al-‘Alāʾ Aḥmad ibn ‘Abd Allāh ibn Sulaimān al-Tanūẖī al-Ma’arī, est né en 973 à Ma’arat al-Nu’man, dans le nord de la Syrie.

Il a vécu dans un pessimisme profond, estimant que rien ne lui avait été facile dès son plus jeune âge. En effet, à l’âge de quatre ans, il a été frappé par la variole, qui a gravement affecté sa vue, le privant de ce sens précieux.

«À quatre ans, Abu-l-Ala a été atteint d’une variole particulièrement virulente, explique Issa Ibrahim Al-Saadi dans un livre consacré à ce poète. Il en a souffert profondément, perdant un œil, puis la vue de l’autre a progressivement décliné jusqu’à disparaître complètement.»

Malgré cette souffrance omniprésente, Al-Maari a eu la chance de grandir dans une famille passionnée par la littérature et le droit, ce qui lui a permis de développer des connaissances encyclopédiques au fil des ans.

Un esprit libre malgré la cécité

Entre Alep en Syrie et Antakya en Turquie, ce grand auteur a étudié les sciences du langage, la littérature, la théologie, la jurisprudence islamique et la poésie. Issa Ibrahim Al-Saadi le décrit comme un homme «doté d’une intelligence remarquable et d’une capacité extraordinaire à tout mémoriser, ce qui lui a permis d’acquérir des connaissances étendues, se distinguant particulièrement dans la poésie et la prose».

En 1007, Abu-l-Ala al-Maari s’est rendu à Bagdad, où il a fréquenté les bibliothèques et rencontré les grands savants de l’époque. Yacout Hamawi, dans son «Guide de la littérature», le décrit comme «un érudit de bonne réputation, riche de connaissances en sciences, linguistique, grammaire et orthographe, ainsi qu’un grand poète et orateur».

De retour à Ma’arat al-Nu’man en 1009, il s’est consacré entièrement à l’écriture. «Il faisait partie des éminences grises de la littérature arabe, maîtrisant les sciences avec une grande profondeur», note Taha Hussein dans l’introduction d’un ouvrage consacré à ses œuvres. Cependant, à l’issue de son voyage à Bagdad, il a choisi de se retirer dans sa ville natale jusqu’à sa mort.

Contrairement à la plupart des poètes de son temps, il ne recherchait ni la gloire ni la richesse. Il se définissait même comme l’«otage des deux prisons», la première étant sa cécité, la seconde sa maison, qu’il quittait rarement. «Il avait un désamour sans fin pour la vie qu’il menait dans le plus grand désespoir», écrivait Aḥmad Ibn-Yaḥyā Ibn-Faḍlallāh al-ʻUmarī.

Dans son ouvrage «Chemins de la perception», cet auteur indique qu’Al-Maari «était victime d’injustices, n’attendant rien ni des gens ni de la vie. Il s’est coupé du monde, ne quittant sa maison que pour la mosquée». Ses œuvres littéraires reflètent cette vision de la vie, marquée par un profond pessimisme. Cet état d’esprit l’a conduit à refuser le mariage et à considérer la procréation comme un crime.

Un refus du luxe de son époque

En refusant de consommer de la viande, Al-Maari fut l’un des premiers végétariens célèbres. «Pendant quarante-cinq ans, il a vécu sans manger de viande, d’œufs ou de lait, respectant profondément les animaux. Il se contentait de ce que la terre produisait et s’habillait de manière austère», rappelle Basset Ibn Al Jawzi dans «Le miroir du temps».

«D’une grande humilité, il ne gagnait que trente dinars, qu’il partageait avec son employé. Il se nourrissait de lentilles, les figues étant sa seule douceur. Il portait des vêtements en coton, dormait dans un lit modeste et ne flattait personne. Si sa poésie avait été consacrée aux louanges, il aurait fait fortune», écrit Lisan al-Mizan – Ibn Hajar.

Lisan al-Mizan – Ibn Hajar

Par ailleurs, Abu-l-Ala al-Maari était un musulman convaincu, privilégiant l’esprit plutôt que la lettre du message religieux, ce qui a suscité des tensions avec les érudits de son temps. Il exprimait ses doutes sur des questions que les textes religieux prétendaient avoir tranchées. Al-Maari défendait l’idée qu’aucune religion n’était supérieure à une autre, chacune ayant ses spécificités.

Son livre «L’Épître du pardon» reste l’une des œuvres majeures du patrimoine arabe, mais même après sa mort en 1057 dans sa ville natale, certains ont mis en doute son islam. Ibn al-Jawzi le décrivait comme un poète dont «les textes laissaient transparaître son athéisme et son hostilité aux prophètes», allant jusqu’à le classer parmi les «dépravés de l’islam» aux côtés d’Ibn al-Rawandi et Abû Hayyân al-Tawhîdî.

En revanche, des auteurs comme Narjiss Tawhidi considéraient qu’Al-Maari «était bien croyant», son mode de vie et ses convictions ne différant pas fondamentalement de ses contemporains. Chaouqi Fadl partageait cet avis, notant que ce poète «n’attaquait pas les religions monothéistes mais plutôt les religieux, ce qui est fondamentalement différent».





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