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670 millions de personnes sous-alimentées dans le monde dont 307 millions d’Africains

670 millions de personnes sous-alimentées dans le monde dont 307 millions d’Africains

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Peut-on encore parler de progrès quand, en 2024, 670 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde ? Le chiffre, tiré du dernier rapport conjoint de la FAO, de l’OMS et du PAM, montre une légère amélioration à l’échelle mondiale, mais cache de fortes disparités régionales.

En Afrique, la situation se détériore. Le continent compte à lui seul 307 millions de personnes en sous-alimentation chronique, soit plus de 20 % de sa population. Et cette part ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. 

©Infographie / Le Monde©Infographie / Le Monde

Si l’Afrique reste aussi vulnérable, c’est notamment parce que dans plusieurs pays, plus de la moitié de l’alimentation vient de l’extérieur, «ce qui freine leur capacité à développer leur production locale», explique Lorine Azoulai, du CCFD-Terre Solidaire. «Cela rend ces États extrêmement sensibles aux chocs extérieurs. Pour entrevoir des perspectives, il faut qu’ils puissent s’émanciper un minimum des marchés internationaux», ajoute-t-elle. Un grain de sable dans les marchés mondiaux, une sécheresse, une guerre, et c’est toute la chaîne qui s’effondre. La spéculation, les tensions géopolitiques et le climat ne laissent aucun répit.

Des disparités régionales 

Même constat dans certaines régions du Moyen-Orient. En Syrie, près de 4 habitants sur 10 ne mangent pas à leur faim. Des taux parmi les plus élevés au monde. En Palestine, la famine devient une arme de guerre contre la population civile. L’OMS parle d’un « pic de décès en juillet ». Les pages du rapport onusien ne couvrent pas cette urgence aiguë, mais l’ombre de l’enclave plane sur chaque discussion. 

Quant aux prévisions, celles-ci inquiètent : d’ici 2030, 512 millions de personnes pourraient vivre en sous‑alimentation chronique. Près de 60 % d’entre elles se trouveraient en Afrique.

Des Palestiniens attendent la distribution de nourriture à Gaza le 22 juillet 2025. © Dawoud Abu Alkas, ReutersDes Palestiniens attendent la distribution de nourriture à Gaza le 22 juillet 2025. © Dawoud Abu Alkas, ReutersDes Palestiniens attendent la distribution de nourriture à Gaza le 22 juillet 2025. © Dawoud Abu Alkas, Reuters

Une réponse depuis l’Afrique, pour l’Afrique

C’est dans ce contexte que le Maroc a porté, lundi 28 juillet à Addis-Abeba, une proposition claire : créer un fonds international exclusivement dédié à la sécurité alimentaire africaine. Un levier que Rabat considère indispensable pour renforcer la souveraineté alimentaire du continent, comme l’a expliqué Ahmed El Bouari, ministre marocain de l’Agriculture, lors du deuxième bilan du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires (UNFSS+4).

Face à l’érosion des aides au développement, notamment après l’arrêt brutal du programme USAID qui soutenait encore 45 millions de personnes, ce fonds se veut une réponse depuis l’Afrique, pensée pour l’Afrique. Le ministre a insisté sur la nécessité de financements responsables, d’un accès équitable à l’alimentation et d’une gouvernance inclusive. À ses yeux, il ne suffit plus d’adapter les systèmes agricoles au climat ; il faut transformer en profondeur la logique des circuits alimentaires. Le Maroc dit en avoir fait l’expérience avec sa stratégie Génération Green 2020–2030, mêlant investissement humain, transition écologique et justice sociale.

En proposant un fonds pour l’Afrique, le Maroc entend replacer le droit à l’alimentation au cœur des discussions internationales. L’enjeu n’est pas seulement de nourrir, mais de redonner aux pays la capacité de décider de leur agriculture et de leur avenir. 

Une réponse qui ne pourra être que collective. Le Royaume mise effectivement sur la coopération Sud-Sud, déjà engagée à travers des initiatives royales comme l’Adaptation de l’Agriculture Africaine. Par ailleurs, le Maroc plaide aussi pour une solidarité multilatérale repensée, moins dépendante des grands bailleurs occidentaux, plus ancrée dans les réalités régionales.

Les visages oubliés de la faim

La faim a des visages. Et ce sont souvent les mêmes. Les femmes, les enfants, les familles rurales isolées sont les plus durement touchés. Dans certaines régions, c’est une génération entière qui grandit avec l’estomac vide. En 2023, plus de 30 % des femmes âgées de 15 à 49 ans souffraient d’anémie. Et l’écart avec les hommes continue de se creuser. «La faim et la malnutrition sont politiques», rappelle l’économiste Raj Patel. «On ne peut pas expliquer autrement pourquoi les femmes sont plus touchées que les hommes», ajoute-t-il. 

©La Presse canadienne / AP / Farah Abdi Warsameh©La Presse canadienne / AP / Farah Abdi Warsameh

Et pourtant, si, l’on peut. La faim n’est pas seulement politique, elle est aussi sociale et profondément liée aux rôles imposés, rappelle l’ONG Action contre la faim. Dans certaines régions, les femmes ne peuvent pas posséder de terres, ni accéder aux ressources sans l’aval d’un homme. Leur travail (collecter de l’eau, nourrir la famille, s’occuper des enfants, des personnes âgées, cuisiner, soigner), invisible, domestique, quotidien, n’est ni rémunéré ni reconnu. Et quand les tensions montent, ce sont encore elles qui subissent les violences, parfois jusqu’à devoir troquer leur dignité contre un peu de nourriture.

Mais des alternatives émergent. Au Nigeria, le programme Porridge Moms permet à des mères de cuisiner ensemble, d’apprendre, et surtout, de reprendre la main sur ce qu’elles mangent. Au Kenya, des potagers près des puits réduisent leur dépendance. Ailleurs, des femmes deviennent cheffes d’entreprise grâce à un simple accès aux outils. Lutter contre la faim, c’est aussi redonner aux femmes le pouvoir de se nourrir et de nourrir les autres.

La bonne nouvelle, c’est que le continent sera sous les projecteurs cet automne. Le G20, la COP30 au Brésil (10 novembre – 21 novembre 2025), le Comité mondial pour la sécurité alimentaire… Les tribunes ne manqueront pas. Encore faut-il que la voix africaine y soit forte, audible, portée par des priorités claires.

Le Maroc, en tout cas, vient d’en proposer une. Nourrir. Mais surtout, décider comment nourrir.





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