Au moins 35% des citoyens marocains vivant dans leur pays expriment leur volonté de migrer, principalement vers l’Amérique du Nord. Selon un récent rapport régional d’Arab Barometer sur le sujet, les sondés au Maroc qui veulent vivre ailleurs citent les Etats-Unis (26%) puis le Canada (23%) comme les deux premières destinations pour mener un nouveau projet de vie à l’étranger. La France est citée aussi par 23% des autres concitoyens, suivie de l’Espagne et de l’Italie à égalité (22%). En Afrique du Nord et au Moyen-Orient (MENA), la Tunisie arrive en tête avec 46% de la population déclarant envisager de quitter le pays. Elle est suivie de la Jordanie (42%) et du Liban (38%).
Avec un taux global de 35%, le Maroc devance la Palestine (25%), la Mauritanie (22%) et le Koweït (16%). Selon les données du sondage, les citoyens les plus jeunes et ceux ayant fait des études supérieures sont plus susceptibles d’envisager un projet migratoire. Par tranche d’âge, les sondés entre 18 et 29 ans en Tunisie sont 71% à déclarer vouloir quitter le pays. Ils sont de 58% au Liban, de 55% au Maroc, de 54% en Jordanie, de 35% en Palestine et de 27% en Mauritanie autant qu’au Koweït.
Chez les 30 ans et plus, la volonté d’émigrer baisse à un taux global de 36% dans les pays étudiés. Au Koweït, seuls 17% de cette tranche d’âge disent vouloir vivre ailleurs. Ils sont de 36% à être du même avis en Tunisie, 29% au Liban, 24% au Maroc, 19% en Mauritanie, 18% en Jordanie et 15% en Palestine. Dans les motivations de ce départ, beaucoup évoquent «la recherche de meilleures perspectives et opportunités d’emploi», ou encore l’insatisfaction de la situation économique locale.
Arab Barometer explique cette tendance par le fait que les citoyens désireux d’émigrer portent «souvent une vision plus négative» que ceux qui ne souhaitent pas partir. Ainsi, le facteur économique a été déterminant chez 90% des sondés en Jordanie, 89% en Tunisie, 72% au Liban, 69% en Mauritanie, 57% en Palestine, 45% au Maroc et 29% au Koweït.
Si les chiffres globaux pour de nombreux pays restent relativement inchangés par rapport à ceux des dernières années, un comparatif sur le temps long montre notamment que les citoyens tunisiens sont plus que jamais enclins à migrer. Cette tendance s’observe en effet depuis l’émergence du Printemps arabe : en 2011, 22% ont déclaré envisager de quitter leur pays. Ce taux a augmenté au fur et à mesure des années sur plus d’une décennie, pour dépasser désormais les 40%.
Au Koweït et en Palestine, les pourcentages sont restés pratiquement inchangés durant les 12 dernières années, fait savoir le rapport. La Jordanie enregistre par ailleurs une baisse considérable de six points en deux ans.
Les défis régionaux accentuent les volontés de départ
Plus loin, le rapport souligne que d’autres facteurs démographiques secondaires se dégagent des résultats, notamment en ce qui concerne le genre. En Mauritanie, 37% des hommes déclarent vouloir quitter leur pays, contre 8% des femmes. Au Maroc, ce taux est respectivement de 45% et 25%, tandis qu’il est de 50% et 34% en Jordanie.
Au-delà des motifs économiques majoritairement évoqués, des défis nationaux spécifiques à chaque pays figurent parmi les autres raisons pouvant pousser les citoyens à migrer. Largement en tête, les sondés au Liban sont 23% à déclarer vouloir partir pour des raisons politiques ou à cause de la corruption (24%). Dans un contexte de tensions croissantes sur la frontière sud du pays avec Israël, 27% invoquent un souci de sécurité personnelle.
Alors que les interrogés au Koweït sont 65% à juger leur économie «très bonne» ou «bonne», plus de la moitié (56%) qui disent vouloir migrer aspirent à de meilleures opportunités d’éducation. En Mauritanie et au Liban, 21% déclarent vouloir quitter leur pays pour des études, tandis qu’ils sont 18% au Maroc à évoquer les mêmes raisons et 17% en Palestine. Ce chiffre baisse à 8% en Jordanie et à 6% en Tunisie.
Dans ce contexte, les résultats du sondage indiquent qu’«un nombre important de personnes dans la région souhaitent quitter leur pays par tous les moyens possibles, envisageant ainsi la migration sans papiers parmi d’autres options». Selon la même source, «c’est particulièrement le cas au Maroc, où plus de la moitié (53%) des migrants potentiels disent envisager un départ sans pour autant avoir les papiers nécessaires». Au moins 44% en Mauritanie et 42% en Tunisie partagent cet avis. En Palestine, ils sont près de 30%, tandis qu’ils sont de 19% en Jordanie et de 17% au Liban.